Politique 3 septembre 2014

Le Farm Bill sortira-t-il indemne de la tourmente budgétaire?

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La politique agricole américaine navigue en eaux troubles en ces temps de compressions budgétaires à Washington.

Le prochain Farm Bill réservera-t-il des surprises pour les agriculteurs au nord de la frontière des États-Unis? Il ne faut pas oublier que les producteurs américains sont les principaux concurrents de ceux du Canada.

Rappelons d’abord que l’impossibilité de s’entendre entre les deux principaux partis américains a fait en sorte que l’échéance du Farm Bill de 2008 est passée depuis septembre dernier. Une entente temporaire pour éviter le « précipice fiscal », en décembre dernier, a fait en sorte de reconduire le Farm Bill en place jusqu’en septembre 2013. Les élus de Washington devront s’entendre avant cette date.

Malgré l’absence d’entente sur la politique agricole, deux versions du prochain Farm Bill ont déjà circulé au Sénat et à la Chambre des représentants. Seul le projet du Sénat a été adopté, mais il faut l’approbation des deux chambres sur un même projet pour que le président puisse promulguer une loi.
Des coupes de 35 milliards de dollars sur cinq ans sont envisagées par les élus, mais un des volets les plus affectés serait l’aide alimentaire aux Américains pauvres.

Fin probable des paiements directs

« On a institutionnalisé les prix élevés des dernières années », a analysé Jean-Philippe Gervais, économiste principal de Financement agricole Canada (FAC) et conférencier invité par l’Association des communicateurs et rédacteurs de l’agroalimentaire (ACRA), le 12 mars dernier, à Longueuil.

Le spécialiste d’agroéconomie estime donc que le Farm Bill 2013 sera probablement le reflet du marché de 2009, 2010 et 2011, comme celui de 2008 était basé sur la situation des années antérieures. M. Gervais prévoit que cette nouvelle politique ne sera pas adoptée avant la mi-mai.

L’analyse des deux projets de loi laisse néanmoins entrevoir à l’expert la fin des paiements directs découplés de la production pour le secteur des grandes cultures. Cette mesure représente une compression d’environ 5 milliards de dollars (G$). Il faut cependant contrebalancer cette modification probable avec une hausse anticipée de 9 G$ de l’assurance-récolte. « Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose pour le Canada », dit l’économiste de FAC au sujet de ce probable changement.

Les élus républicains misent de leur côté sur de nouveaux programmes qui auraient pour effet de maximiser les superficies ensemencées. Si cette approche l’emporte, cela pourrait faire baisser les prix davantage que les paiements directs de l’ancienne loi, qui n’incitaient pas les producteurs à surproduire. Dans le pire scénario, avec du maïs à 100 $ la tonne, cette mesure républicaine pourrait donner de 22 $ à 100 $ l’acre aux producteurs!

Contrôle de l’offre de lait

L’analyse des projets de loi par M. Gervais fait ressortir des points communs entre les deux versions en ce qui concerne la future politique laitière des États-Unis. Le prochain Farm Bill devrait donc protéger une marge de profit sur chaque volume de lait produit, mais cette protection sera assortie d’une demande de réduction de l’offre de lait pour les producteurs qui veulent l’obtenir.

Plafonnement de la production d’éthanol?

Un facteur important pour le maintien et la croissance de la demande en maïs est la politique américaine de soutien aux biocarburants. Or, la prochaine politique agricole américaine pourrait devoir apporter une réponse à l’impossibilité actuelle de dépasser un plafond de 10 % d’éthanol dans l’essence en raison des limites du réseau de distribution. Cette proportion maximale d’éthanol est d’autant plus un problème que la consommation totale de carburant du pays est en baisse à cause du ralentissement économique et de l’amélioration de l’efficacité des voitures. « Il y a quelque chose qui ne fonctionne plus », soutient M. Gervais, qui pense que les États-Unis pourraient même devoir exporter de l’éthanol d’ici environ un an. L’augmentation de la production est déjà prévue par une politique qui force les pétrolières à mélanger toujours plus d’éthanol à l’essence chaque année, mais le réseau de distribution est pratiquement déjà saturé.

La prochaine politique pourrait donc prévoir des mesures pour améliorer le système de distribution en augmentant le nombre de pompes et de véhicules qui utilisent un mélange contenant 85 % d’éthanol. Il pourrait aussi y avoir un soutien pour construire un ou des pipelines pour amener l’éthanol du centre des États-Unis vers les côtes. Sans ce type d’appui, la hausse prévue de production d’éthanol pourrait ne pas se produire. Le marché du maïs sera très certainement influencé par les actions qui seront ou ne seront pas entreprises pour sortir du plafond actuel d’utilisation de l’éthanol (blend wall).