Actualités 9 octobre 2014

Le sorgho sucré… solution de rechange au maïs ensilage?

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Les besoins énergétiques sont très importants en production laitière. Peu de fourrages répondent à cette demande. Devant cette réalité, existe-t-il d’autres sources fourragères capables de fournir des résultats similaires au maïs ensilage? Des essais réalisés au Collège d’Alma sur le sorgho semblent prometteurs…

Le maïs ensilage est une plante annuelle prisée des producteurs laitiers dans l’alimentation du cheptel. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, cette culture fait également partie du paysage, mais reste limitée à certains secteurs de la région en raison de la faiblesse des unités thermiques maïs (UTM). Depuis quelques années, des travaux sont menés au Québec par divers organismes sur le potentiel de différentes cultures énergétiques. En raison de sa forte teneur en sucres solubles et de son adaptation aux différents types de sol, le sorgho sucré semble une culture d’excellence pour répondre au besoin des producteurs des régions plus nordiques (2 100 UTM et moins).

La culture du sorgho sucré


sorgho_vertical3Des essais au champ 
Le sorgho sucré est une plante de la famille des graminées. Il ressemble beaucoup au maïs, mais produit plutôt un épi à son extrémité. Son potentiel énergétique provient essentiellement des sucres solubles contenus dans sa tige, contrairement au maïs qui, lui, provient de l’amidon contenu dans ses grains. C’est une plante de type C4, c’est-à-dire qu’elle est adaptée aux climats plus tropicaux comme le sont le maïs et la canne à sucre. Elle possède une très grande capacité d’utilisation de l’eau. Elle consomme, pour une même superficie, deux fois moins d’eau que le maïs. Son système racinaire est bien développé, ce qui lui confère une très grande tolérance à la sécheresse. Lors de son implantation, le sorgho sucré demande un sol chaud, c’est-à-dire un sol d’une température supérieure à 10 °C. Il s’adapte bien aux sols légers, acides et peu fertiles, mais préfère les sols francs et lourds. C’est une plante dont le potentiel de rendement fourrager atteint en moyenne huit tonnes de matière sèche à l’hectare (t m.s./ha). Seul bémol : les hybrides canadiens sont sensibles à la verse.

Afin de valider le potentiel de cette culture fourragère (levée, verse, maturité, rendement, sensibilité aux maladies …), des essais au champ ont été effectués au printemps 2012; trois hectares de sorgho sucré (hybride CSSH 45) ont alors été implantés. Le semis a été réalisé le 7 juin à la suite d’un faux semis. La dose était de 12 kg/ha, et les graines ont été implantées à une profondeur de 2,5 cm, espacées de 13 cm entre les rangs à l’aide d’un semoir Kuhn. Un traitement d’herbicide en post-levée a été appliqué. La fauche a été faite à l’aide d’une faucheuse-conditionneuse à disques, au début de l’épiaison. La hauteur de coupe recommandée doit être de 15 à 18 cm, favorisant ainsi l’aération lors du préfanage. À ce sujet, il est important de réduire au minimum le conditionnement lors de la fauche, afin de préserver le plus possible les sucres solubles dans la plante. L’utilisation d’une andaineuse pourrait être une autre option pour effectuer cette opération. La récolte a été effectuée deux jours après la fauche, soit le 6 septembre ou 91 jours après son implantation. Malheureusement, le jour avant la coupe, un gros orage s’est abattu sur le secteur, ce qui a occasionné de la verse sur près de 25 % de la superficie. Malgré tout, les rendements obtenus ont atteint 5,8 t m.s./ha.

Ensilabilité du sorgho
Dans le cadre des activités de récolte, le Collège d’Alma et Agrinova ont organisé une journée de démonstration. Pour l’occasion, deux équipements de récolte ont été testés, soit la presse à balles rondes « roto-cut » Vario-Pack de Krone et l’ensileuse Dion F-41. L’objectif de ces essais était d’observer le potentiel d’ensilabilité du sorgho en fonction des équipements retrouvés le plus souvent chez les producteurs. Dans les deux cas, la plante a bien répondu aux équipements de récolte. La grosseur de la tige n’a pas semblé être un obstacle pour la mise en balle.

Qualité de l’ensilage de sorgho
La majorité du sorgho a été récoltée sous forme d’ensilage haché, qui a ensuite été compressé sous forme de balles rondes à 22 % de matière sèche par une presse-enrobeuse Göweil. Cette machine élimine la majorité des espaces d’air présents dans la masse entreposée. La validation de la conservation s’est faite par deux mesures d’acidité, soit 70 jours et 132 jours après la récolte avec comme résultats des pH de 3,9 et 3,7. Ceux-ci confirment bien l’atteinte d’une stabilisation de l’ensilage.

Des essais à l’étable
Le sorgho sucré a la réputation d’être moins digestible que le maïs. Devant ce fait, une étude d’alimentation a été réalisée à la ferme laitière du Collège. L’objectif étant de vérifier la consommation du sorgho sucré par les animaux et l’effet sur leur production de lait. Pour y arriver, de l’ensilage de sorgho a été introduit dans l’alimentation du troupeau pour 30 jours consécutifs sur 2 périodes distinctes (total de 60 jours d’expérimentation). Cette intégration s’est faite en ration partiellement mélangée (RPM) à raison de deux balles d’ensilage d’herbes déchiquetées et une balle de sorgho. La ration a été équilibrée selon les analyses obtenues à la suite de la fermentation de l’ensilage (voir tableau 1).

Valeur alimentaire de l’ensilage
de sorgho sucré après la fermentation
(base matières sèches)

tableau

Résultats intéressants…
Offrir de l’ensilage de sorgho sucré aux vaches laitières suscitait la crainte qu’elles trient l’ensilage et qu’elles ne veuillent pas le consommer. Ça n’a pas été le cas. En effet, à la suite du calcul des refus sur une période de 24 heures, seulement 3 % de la ration fourragère n’a pas été consommée. De plus, lors de nos observations, nous avons constaté que l’appétence de ce fourrage n’est pas une barrière à son utilisation. En ce qui concerne la production laitière, l’intégration du sorgho dans la ration n’a pas eu d’effet négatif.

Potentiel du sorgho comme solution de rechange au maïs ensilage
À la lumière des résultats obtenus, la culture du sorgho sucré, également appelé la canne à sucre du Nord, pourrait s’introduire avec succès dans les régions nordiques à faible UTM, comme celles qui se trouvent au Saguenay–Lac-Saint-Jean. De fait, les rendements obtenus ont été satisfaisants (malgré l’impact de la verse).

Cette culture offre également plusieurs possibilités de récolte, car contrairement au maïs, elle peut se récolter avec une faucheuse et une presse à balles. De plus, l’appétibilité de cet ensilage lui permettait d’être intégré sans problème dans la ration des bovins laitiers. Concernant la digestibilité de cette plante, il faudra effectuer d’autres essais pour en arriver à une conclusion. Chose certaine, la date de récolte importe; si elle est trop tardive, la fibre durcit et devient moins digestible.

Des tests supplémentaires relatifs aux modes d’entreposage, à l’effet de la longueur de la fibre et au pourcentage d’intégration dans la ration devront aussi être réalisés avant de conclure que le sorgho peut se révéler une solution de rechange au maïs. Pour l’instant, toutefois, les possibilités se révèlent très intéressantes.

Les constats obtenus lors de ces essais seront disponibles sur le site d’Agrinova au www.agrinova.qc.caCe projet a été réalisé avec l’aide financière du bureau régional du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. L’auteur tient à remercier Équipement GMD enr., les Équipements Agri-lait et le Centre agricole Saguenay–Lac-Saint-Jean pour le prêt d’équipements, de même que l’agronome Hélène Brassard pour ses précieux conseils.

 

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