Actualités 1 octobre 2014

À l’école des patenteux

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Construire sept outils de travail de sol en cinq jours. C’est le défi qui attendait une quinzaine d’apprentis patenteux à Acton Vale en janvier dernier. Ils ont pu compter sur les conseils d’experts venus du vieux continent.

Dans le vaste atelier de l’immeuble Bonin à Acton Vale, un groupe taille du fer pendant que d’autres soudent une composante qui sera plus tard assemblée sur l’outil en construction. Au centre de la pièce, des plans de travail accrochés à un panneau virevoltent au gré du va-et-vient de Joseph Templier. Contraint à se déplacer en fauteuil roulant en raison d’un récent accident de patinage, le formateur français est omniprésent dans l’atelier. Après que celui-ci ait prodigué divers conseils aux soudeurs en herbe, quelques élèves s’attroupent autour de lui et l’écoutent attentivement expliquer les vertus du triangle d’attelage. M. Templier sait qu’il n’y a pas une minute à perdre. La quinzaine de participants présents à la première formation d’autoconstruction dispensée au Québec doivent produire sept outils de travail de sol en cinq jours.

Joseph Templier en a vu d’autres. Si ce type de formation est la première tenue en sol québécois; le producteur français en a plusieurs à son actif. La coopérative qu’il a fondée avec plusieurs agriculteurs français, ADABio autoconstruction, offre une vingtaine de stages par année. « Le but de notre coopérative vise à développer et à diffuser la pratique de l’autoconstruction de matériel agricole issu des adaptations des producteurs », souligne M. Templier, en précisant qu’il s’agit d’une démarche collective.participants

 

Si ADABio autoconstruction assure aujourd’hui plusieurs formations dans de nombreuses régions françaises et même au Québec, l’initiative est née d’un petit groupe de producteurs maraîchers de la région Rhône-Alpes. « Nous nous intéressions à la culture sur planches permanentes1 comme plusieurs de nos voisins, soutient le producteur. Chacun d’entre nous avait fabriqué des outils adaptés à cette technique avec les moyens du bord. » En s’entraidant et en partageant leurs connaissances, les agriculteurs voisins ont réussi à élaborer des outils efficaces.

Comme l’exploitation de Joseph Templier agissait à titre de ferme expérimentale utilisant des planches permanentes pour le gouvernement français, les occasions de discuter avec des visiteurs étaient nombreuses. « Les gens voyaient nos machines et voulaient les reproduire, note l’agriculteur. Alors on s’est dit qu’on allait faire un livre pour expliquer comment les concevoir. Et tant qu’à produire un livre, on a décidé d’y inclure les machines des fermes à l’entour. »

L’idée de proposer un stage pour aider les producteurs à construire les outils présentés dans l’ouvrage est par la suite venue d’elle-même. Un premier atelier a alors été organisé durant lequel huit stagiaires ont fabriqué six instruments.

En plus d’offrir des stages et un livre qui recense toutes les machines conçues pour la culture sur planches permanentes, ADABio autoconstruction constitue une association qui vise à partager et à faire évoluer le savoir. Le site Internet de la coopérative héberge un forum sur lequel les membres peuvent échanger. « On part du constat que les bonnes trouvailles émergent du bricolage intuitif des agriculteurs », avance Joseph Templier. Pour lui, ADAbio autoconstruction permet de mettre en commun les connaissances, mais aussi d’améliorer les outils qui existent déjà. « Vous voyez, le « vibroplanche » qu’on construit en stage cette semaine, il en est peut-être à sa cinquième version, s’enthousiasme le formateur. Chaque fois, on l’améliore. »

L’autoconstruction au Québec
Dans l’atelier où sont assemblés les sept « vibroplanches », l’un des instigateurs de la formation, Alain Robitaille, participe activement à la construction, tout sourire. « C’est la première fois au Québec et je dirais même en Amérique du Nord qu’un cours d’une semaine permettra de fabriquer sept outils, s’enorgueillit le professeur en production horticole à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe (EPSH).

Alain Robitaille a entendu parler de Joseph Templier et de l’autoconstruction pour la première fois en 2010 lors d’un voyage avec ses étudiants en France. Le groupe avait alors visité la ferme de M. Templier qui pratiquait la culture en planches permanentes. « On a été impressionné par la qualité et la structure du sol de la ferme, explique le professeur. Je trouvais ça intéressant parce qu’il n’existe pas beaucoup de techniques durables en culture maraîchère. »

Plus tard, lors de cette même visite, Alain Robitaille est resté bouche bée devant la horde d’outils entassés dans le garage de la ferme. « Nous sommes passés à travers la caverne d’Ali Baba, rigole-t-il. Il y avait des machines construites en autoconstruction partout. »

Si l’idée d’organiser un stage au Québec a flotté longtemps dans l’air, Alain Robitaille a décidé de prendre les choses en main. « Quand j’ai expliqué à mes patrons que je voulais offrir une formation durant laquelle on construit sept machines en une semaine, il y avait beaucoup de sceptiques, lance en riant le professeur. Ils ont tout de même décidé d’embarquer dans le projet. »

Une quinzaine de personnes ont répondu à l’appel et se sont inscrites à la formation organisée par l’EPSH. « Tout le monde va repartir avec un « vibroplanche » à la fin de la semaine, affirme Alain Robitaille. La plupart d’entre eux effectueront de la culture en planches permanentes, une pratique méconnue au Québec, lors de la prochaine saison. »

En organisant une telle formation, le professeur souhaitait mettre en place des circonstances favorables pour la création d’une association d’autoconstruction québécoise. « Nous sommes emballés par l’idée, annonce le formateur Joseph Templier. Il est primordial pour nous, cependant, que cette association soit portée par un groupe de producteurs d’ici. » Alain Robitaille entend, pour sa part, apprendre de Joseph Templier afin d’offrir lui-même un cours d’autoconstruction chaque année au Québec.

Voici un aperçu des outils qui figurent dans le Guide de l’autoconstruction conçu par ADABio autoconstruction.

triangle1Pour utiliser ce type d’attelage, il faut non seulement installer un triangle femelle sur chacun de vos outils, mais également munir les trois points à l’arrière de votre bolide d’un triangle mâle. Ainsi, pour atteler, il suffit de baisser le triangle mâle accroché sur le trois points et de reculer vers l’outil. « Le haut du triangle mâle est alors mis en contact avec l’intérieur du triangle femelle. En levant le triangle mâle, le triangle femelle se met en place et l’outil est attelé », explique-t-on dans le guide de l’autoconstruction. Une rotule s’engage dans le triangle femelle pour assurer la solidité de l’attelage.Triangle d’or
Tous les outils fabriqués par ADABio autoconstruction possèdent un triangle d’attelage. « Pour nous, il s’agit d’un élément de sécurité incontournable, précise Joseph Templier. Ça évite à l’opérateur de descendre du tracteur ou de faire appel à une autre personne pour atteler l’outil. » Le patenteux ajoute que le maraîchage nécessite beaucoup d’outils différents. Un système d’attelage efficace constitue donc un atout important.

L’outil à l’honneurvibroplanche

 

Le vibroplanche est l’outil conçu pendant la formation d’autoconstruction à Acton Vale. « Il sert soit à nettoyer les planches permanentes lorsqu’il y a une levée de mauvaises herbes, soit à la préparation finale avant les semis, explique Joseph Templier.

Par leur action vibrante, les dents de l’outil permettent d’affiner la terre et de désherber. Des « socs pattes-d’oie » ont été fixés à l’extérieur de la surface de travail du vibroculteur afin d’effectuer un sarclage efficace de l’allée.

Un disque et un réflecteur de chaque côté de l’outil permettent de garder la terre à l’intérieur de la surface de travail et de conserver ainsi la forme de la planche permanente. La herse étrille, quant à elle, « relie les deux déflecteurs pour calibrer la planche, quelle que soit la profondeur de travail. Elle affine encore la terre avant le passage du rouleau », peut-on lire dans le Guide de l’autoconstruction.

Le rouleau plombeur, justement, permet de terminer l’ajustement de la planche. Sa hauteur peut être ajustée grâce à un cylindre hydraulique.

Sarcler à vélo
Le guide d’autoconstruction montre aussi comment fabriquer facilement un sarcleur. Il faut d’abord dénicher une vieille bicyclette. Ensuite, on doit retirer la roue avant, le guidon, le pédalier et le dérailleur. Il ne reste qu’à ajouter des tubes d’acier à l’avant pour pouvoir tirer l’outil et un système de brides pour fixer la dent sarcleuse sur le cadre près du moyeu où se trouvaient les pédales.velo1