Actualités 21 janvier 2022

Un nez optique dans les fermes laitières

Des chercheurs de Polytechnique Montréal ont mis au point un « nez optique » qui permet de mesurer le méthane produit par un troupeau de vaches laitières. L’objectif de cette innovation : aider les producteurs à réduire les émissions de ce puissant gaz à effet de serre. 

Il y a déjà quelques années qu’Yves-Alain Peter, professeur au Département de génie physique à Polytechnique Montréal et directeur du Laboratoire de microphotonique, développe avec son équipe des capteurs capables de déceler grâce à la lumière les molécules flottant dans l’air. Avec le nez optique, ils se sont attaqués à un des problèmes de l’heure : les émissions de méthane de la production laitière.

« Il sera notamment possible de mesurer les émissions de méthane pour chaque vache et ainsi adapter l’alimentation de l’animal de façon individuelle. » Yves-Alain Peter  / directeur du Laboratoire de microphotonique de Polytechnique Montréal
« Il sera notamment possible de mesurer les émissions de méthane pour chaque vache et ainsi adapter l’alimentation de l’animal de façon individuelle. » – Yves-Alain Peter / directeur du Laboratoire de microphotonique de Polytechnique Montréal

« Ce gaz produit un effet de serre au moins 30 fois plus puissant que le gaz carbonique, explique le chercheur. En plus d’être nocif pour l’environnement, il affecte le rendement des troupeaux laitiers. Plus les vaches produisent de ce gaz, moins elles produisent du lait. Il y a donc un double intérêt pour les producteurs de mesurer les émissions de méthane qui peuvent être réduites en changeant l’alimentation des bovins. »

Comment fonctionne le nez optique ? Plus simplement, il s’agit d’une technologie composée de fibres optiques qui agissent comme des cellules olfactives capables de détecter un gaz spécifique et d’en mesurer la concentration. « Ce type de capteurs existe depuis des années, précise Yves-Alain Peter. Ce qui distingue notre nez optique, c’est qu’il fonctionne avec de la lumière et non de l’électricité. Il n’émet donc pas de chaleur, ce qui peut poser problème dans un environnement comme une étable. »

Il est aussi plus petit que les nez électroniques, ce qui pourrait faciliter son implantation à la ferme. « Il sera notamment possible de mesurer les émissions de méthane pour chaque vache et ainsi adapter l’alimentation de l’animal de façon individuelle », ajoute-t-il.

Résultats prometteurs

Le nez optique a été testé l’été dernier à la ferme laitière expérimentale Macdonald de l’Université McGill, à Sainte-Anne-de-Bellevue, un projet mené en collaboration avec Lactanet. « Cela nous a permis de mesurer le méthane quand les bovins ruminent », explique Yves-Alain Peter. Les données recueillies grâce à la technologie ont ensuite été comparées à celles d’un dispositif électronique. Les résultats ont été probants.

Il faudra toutefois attendre encore quelques années avant que ce capteur puisse être commercialisé. Il reste à valider le potentiel de marché, ce sur quoi travaillent des étudiants qui ont participé au projet de recherche. Ils ont fondé Eson Optix, lauréate du concours Technopreneur en 2017, un parcours entrepreneurial qui vise la précommercialisation d’une technologie issue de la recherche universitaire. 

En attendant, la recherche se poursuit. Selon Yves-Alain Peter, grâce au nez optique, d’autres gaz comme l’ammoniaque pourraient être quantifiés. « On est en train d’élaborer un projet avec le Centre hospitalier universitaire vétérinaire de Saint-Hyacinthe pour détecter les gaz dans les poulaillers. Certains provoquent des maladies respiratoires importantes. Cela permettrait de réduire et même d’éliminer l’usage d’antibiotiques », explique-t-il. 

Sylvie Lemieux, collaboration spéciale


Ce texte a été publié dans notre cahier L’UtiliTerre du mois de février 2022.