Technique 19 avril 2023

Des fermes ovines plus productives à la rentabilité fragile

La productivité des entreprises ovines du Québec s’améliore, selon un rapport du Centre d’études sur les coûts de production en agriculture (CECPA). La part des exploitations qui vendent plus de deux agneaux par brebis est passée de 14 % à 29 % entre 2016 et 2021, pour un taux moyen de 1,8 agneau par mise bas. Malgré ces meilleures performances, la rentabilité des entreprises demeure à géométrie variable dans la filière, encore fortement tributaire du Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA).

« La première chose pour améliorer sa rentabilité consiste à bien connaître le modèle d’affaires pour lequel on a investi, autant sur les animaux que sur les bâtiments et leur capacité d’accueillir les bêtes », estime Claudia Labrecque, agronome et conseillère en entreprises agricoles au Centre multi-conseils agricoles. « Cet enlignement-là nous permet d’avoir une unité productive pour un marché précis. »

Dit simplement, cela signifie que les installations nécessaires pour produire des agnelles de remplacement différeront de celles qu’exige la production d’agneaux légers, par exemple. Il en va de même pour la race de l’animal. « Si je fais de l’agneau lourd, je vais travailler avec un type de race particulier et des béliers terminaux qui correspondent à nos objectifs de production », explique l’agronome.

C’est certain que la marge bénéficiaire est plus mince en production ovine, mais c’est possible d’être rentable.

Claudia Labrecque / agronome

L’exemple de La petite bergerie

« On est rendus à cette croisée des chemins là », explique Dominic Scott, propriétaire avec sa conjointe Steffi Saint-Pierre et son fils Benjamin Scott de La petite bergerie, à Saint-Paul-d’Abbotsford. Spécialisée en production laitière jusqu’à la fin des années 2010, son entreprise compte actuellement près de 600 brebis. La petite bergerie produit de l’agneau lourd, contrairement au plan initial. « On voulait faire de la génétique. On ne pensait pas faire de la boucherie », raconte l’éleveur. « On montait notre petit troupeau avec de la Romanov pure puis, petit à petit, on s’est tournés vers la boucherie », poursuit-il. Sauf que du Romanov pur, pour faire de l’agneau lourd, ce n’est manifestement pas le choix idéal. « Pour la viande, y a rien à faire avec la Romanov. La brebis est prolifique, mais les agneaux ne poussent pas. Ils restent petits », signale Dominic Scott qui pourrait se tourner vers l’Arcott Rideau pour produire son agneau lourd et alimenter la toute nouvelle boucherie de l’entreprise.

Si les brebis sont plus prolifiques, il faut prévoir des systèmes d’alimentation artificielle, des louves, afin de réduire la mortalité, explique Claudia Labrecque, conseillère en gestion d’entreprise agricole. Photo : Claude Fortin

Une filière encore fragile

L’enquête du CECPA montre que, de façon générale, la rentabilité des entreprises ovines varie beaucoup d’une installation à l’autre. L’entreprise type affichait des coûts de production d’un peu plus de 392 000 $ en 2021, pour des revenus d’environ 250 000 $. « Ce que ça veut dire, c’est que l’assurance stabilisation du revenu agricole devra intervenir pour combler l’écart », explique Line Belleau, agronome et chargée de projet au CECPA. « C’est certain que la marge bénéficiaire est plus mince en production ovine, mais c’est possible d’être rentable », soutient Claudia Labrecque. Il faut cependant être à son affaire pour y arriver. « Les entreprises que je suis et qui performent bien ciblent un marché précis et mettent toutes les conditions en place pour aller chercher le mieux qu’elles peuvent de ce marché grâce à leur bonne connaissance de leurs coûts de production », dit-elle. Si l’entreprise ne dégage pas la marge bénéficiaire par kilo espérée, il faut comprendre pourquoi, poursuit Claudia Labrecque. « Est-ce que c’est parce que mes installations sont mal adaptées? Est-ce que c’est la main-d’œuvre qui fait défaut? Mon choix de race est-il le bon? Est-ce que c’est mon choix de race qui fait que je ne dégage pas la marge par kilo que je devrais avoir? »

Ces questions font partie de celles que se sont posées et se posent encore les propriétaires de La petite bergerie. « On est rendus à une étape où il faut choisir, mais on pense que l’Arcott Rideau sera notre choix », reconnaît Dominic Scott.  

Dominic Scott, de La petite bergerie, se dirige vers la production d’agneaux lourds issus de brebis Arcott Rideau. Photo : Claude Fortin

Notes méthodologiques

L’enquête du Centre d’étude sur les coûts de production en agriculture (CECPA) s’appuie sur des données colligées en 2021. La ferme type compte une moyenne de 554 brebis, et vend 38 702 kilos d’agneaux en moyenne par année. Trente-sept entreprises représentatives de la filière composent l’échantillon soumis à l’étude, sur un total de 423 exploitations ovines au Québec. Pour être admissibles, les entreprises devaient déclarer des revenus dont la moitié au moins devaient être d’origine agricole. Au moins la moitié de ces revenus devaient provenir de la production ovine. La taille du troupeau des entreprises ne devait par ailleurs pas avoir varié de plus de 25 % par rapport à 2020. Les productions spécialisées dans le lait de brebis ont été exclues de l’enquête.

Les aliments achetés représentent la plus importante dépense des producteurs d’agneaux au Québec. Photo : Claude Fortin

L’industrie ovine en chiffres
Cheptel

110 000 brebis

Nombre de fermes

423

Production d’agneaux

6 millions de kilos par année

Naissances par brebis

2,05

Produits par brebis

1,79

Poids moyen par agneau

42,3 kilos