Ma famille agricole 16 octobre 2022

La seconde vie d’un verger

FARNHAM Ils ont la mi-vingtaine et la tête remplie de projets. Audrey-Anne Lussier et Marc-Antoine Arseneault-Chiasson ne possèdent La Ferme cidricole Équinoxe que depuis mai 2020 et déjà, une centaine de pommiers additionnels sont en terre, la certification biologique est à vue de nez et les cidres fermiers garnissent les tablettes.

Fiche technique 

Nom de la ferme :
Ferme cidricole Équinoxe

Spécialités :
Pommes et cidres

Année de fondation :
2020

Noms des propriétaires :
Audrey-Anne Lussier et
Marc-Antoine Arseneault-Chiasson

Nombre de générations :
1

Superficie en culture :
10 hectares

Lors du passage de La Terre, la haute saison était amorcée chez les pomiculteurs du Québec. Les arbres étaient chargés de fruits qui n’attendaient que les milliers de mains pour être cueillis. À la toute jeune Cidrerie Équinoxe, tout était prêt pour accueillir les amateurs de pommes, de cidres et de découvertes.

L’entreprise existe depuis deux ans et demi dans sa forme actuelle. Audrey-Anne Lussier et Marc-Antoine Arseneault-Chiasson possèdent le verger acheté de la famille Goyette depuis mai 2020. Le couple d’entrepreneurs de 26 et 25 ans n’a cependant pas mis de temps à s’imprégner de la vie à cette ferme de dix hectares, vieille de plus d’un demi-siècle, et à innover.

« Notre prémisse, en arrivant ici, c’était de diversifier. Ce n’était pas seulement de faire de la pomme », explique Marc-Antoine. « Là, on plante beaucoup de poires, beaucoup de prunes, de la camerise, de l’argousier, de l’amélanche et de l’aronie », énumère le diplômé en agronomie, qui voit déjà tous ces fruits ajouter de la saveur à ses cidres. « Ça va nous donner un avantage incroyable dans notre offre de cidre », dit-il.

La production de cidre devrait atteindre  13 000 bouteilles cette année et 20 000 l’an prochain. Photo : Claude Fortin
La production de cidre devrait atteindre 13 000 bouteilles cette année et 20 000 l’an prochain. Photo : Claude Fortin

Le cidre, c’est un peu beaucoup le produit sur lequel l’entreprise mise pour se démarquer sur le marché. « On a décidé de miser sur la qualité. Notre cidre, ce n’est pas un breuvage qu’on vend partout au Québec, insiste le producteur. On fait 13 000 bouteilles cette année. L’année prochaine on va en faire 20 000, mais c’est une production nichée. On fait du cidre comme les vignerons font leur vin; avec la même méthode, la même technique », souligne l’entrepreneur.

L’importance accordée à la transformation représente un virage à 180 degrés pour la ferme qui alimentait les supermarchés de pommes Cortland et Macintosh, jusqu’à sa vente il y a un peu plus de deux ans. « L’épicerie, ce n’est pas pour nous », reconnaît Audrey-Anne. « Il y a beaucoup de critères pour qu’une pomme réponde aux exigences des épiceries », observe l’avocate de formation qui consacre désormais tout son temps à l’entreprise et à son bébé naissant. « Au début, je me disais que je travaillerais à la ferme à temps partiel et serais avocate à temps partiel. À un moment donné, j’ai dit non. C’est vraiment ici, dehors, que je veux être », raconte la jeune maman qui a renoncé à son titre professionnel.

La cage des poulets est déplacée chaque jour pour permettre aux oiseaux de picorer sur de l’herbe fraîche. Photo : Claude Fortin
La cage des poulets est déplacée chaque jour pour permettre aux oiseaux de picorer sur de l’herbe fraîche. Photo : Claude Fortin

Abandonner les supermarchés ne signifie cependant pas laisser tomber la pomme de consommation, précise son conjoint Marc-Antoine. « On travaille fort pour avoir de super belles pommes à offrir au kiosque et en autocueillette », précise le pomiculteur pour qui l’accent mis sur la transformation enlève le stress lié aux exigences de conformation des fruits. « Même si une pomme sur cinq est endommagée, ce n’est pas grave. On la transforme en cidre », explique celui qui profite à chaque instant d’être son propre patron.

Les deux entrepreneurs voient aussi un peu plus loin. Le site abrite des poules pondeuses, des poulets et même deux veaux qui, en plus de plaire aux visiteurs, engraissent une petite parcelle du verger. « Nous devrions passer à dix veaux pour la viande, l’an prochain », souligne Marc-Antoine. 

Le bon coup de l’entreprise

Trois mois. C’est le temps mis par les deux entrepreneurs pour amorcer le virage, beaucoup plus rapide que prévu, vers la production biologique.  « Au départ, on s’est dit : ‘‘On va faire comme l’ancien propriétaire. On va apprendre à connaître notre verger pendant trois à cinq ans, le temps de s’établir, et on passera au bio ensuite’’ », raconte Audrey-Anne Lussier. C’était oublier l’effet qu’aurait l’épandage d’insecticides sur les deux agriculteurs aux visées écologistes, dont la résidence se trouve à proximité des pommiers. « À un moment donné, il a fallu traverser le verger et on s’est rendu compte que le produit goûtait encore dans l’air, plusieurs jours après son application », raconte la jeune mère d’un poupon, né à la fin août. « Y avait pas une bibite, c’était le fun, reconnaît Audrey-Anne Lussier, mais on s’est regardé et on s’est dit : ‘‘On ne va pas élever nos enfants là-dedans!’’ ».

Cette transition prématurée vers la production biologique tombait somme toute assez bien. « Si on n’avait pas fait le virage vers la transformation, on aurait pu attendre avant de passer au bio », explique Marc-Antoine Arseneault-Chiasson. Comme le cidre représente un produit phare sur lequel mise l’entreprise et que la pomme destinée au cidre permet des imperfections qu’on ne saurait retrouver sur les pommes de consommation, la décision s’est révélée plus facile à prendre. « On a vu une différence dans le champ », soutient le cidriculteur, qui voit aussi une différence dans ses bouteilles. « L’année passée, par rapport à notre millésime cette année, ce n’est pas la même chose du tout. On a vraiment une complexité supplémentaire qui ne va que s’améliorer parce que notre verger rebâtit sa microflore », dit-il. 

 

Un investissement judicieux

Les deux entrepreneurs se sont dotés d’installations modernes afin de mieux accueillir leurs visiteurs. Photo : Claude Fortin
Les deux entrepreneurs se sont dotés d’installations modernes afin de mieux accueillir leurs visiteurs. Photo : Claude Fortin

Le changement de mission de l’entreprise s’est toutefois accompagné de nouveaux besoins. Produire du cidre et en vendre à la ferme demande des installations adaptées. La chose manquait à la cidrerie. « On a construit le nouveau bâtiment parce que l’an passé, on a produit 6 000 bouteilles, mais dans un espace de 100 pieds carrés, c’était trop petit », explique Audrey-Anne.

« Quand t’es tout pogné, c’est difficile de travailler; ça ne te tente pas de travailler », reconnaît d’ailleurs son conjoint. « Là, on a 1 200 pieds carrés; on est dans un espace de travail convenable », ajoute l’entrepreneur, visiblement heureux du réaménagement du site et de ce que la cidrerie offre désormais à ses visiteurs. « On a tout regroupé : la cuisine commerciale, le nouveau kiosque, la boutique qui donne sur la terrasse et l’ensemble du verger », raconte le tout nouveau père de famille.

« Les gens appréciaient quand même ce qu’on avait avant, mais ça ne provoquait pas un effet comme celui de la Cidrerie Milton [de Sainte-Cécile-de-Milton], avec des places pour s’asseoir et un environnement agréable », analyse l’entrepreneur dont le nouveau bâtiment, spacieux, rassemble à la fois le charme rustique d’une cidrerie artisanale et le confort attendu d’une entreprise commerciale. 

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Claude Fortin, Collaboration spéciale

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