La famille est au cœur de l’agriculture. Il n’est pas toujours évident de grandir, comme enfant, et de faire grandir, comme parent, à travers ces années parfois tumultueuses.

Imaginons un contexte : un homme propriétaire de la ferme familiale depuis cinq générations. Père d’un jeune fils unique. Il a de grands projets pour lui : future relève de l’entreprise. Cela lui paraît évident que son fils perpétue la tradition intergénérationnelle, la fierté familiale, son rêve. Imaginons maintenant deux scénarios différents avec le père (Fred) et le fils (Noah).

Premier scénario

Le fils a cinq ans et joue dehors avec son père. Cela arrive rarement, alors il est bien content. Noah trébuche, se blesse au genou et les larmes se mettent à couler. Son père lui dit rapidement de cesser de pleurer, que « c’est rien qu’un petit bobo » et qu’il est plus fort que cela. Noah arrête de pleurer, car il veut continuer de jouer avec son père.

Le fils a maintenant 10 ans. Il aimerait tant aller pêcher avec son père, comme le font ses amis. Mais Fred n’a pas le temps. Il a mille choses à faire dans l’étable en plus de la maintenance de la machinerie. Aucun temps pour ce loisir qui le retarderait énormément. Noah comprend que la ferme passe avant tout et que les loisirs sont un luxe.

Parfois, les pères ne réalisent pas l’incidence qu’ils ont sur leur fils. Comment le père pourrait aider à construire un humain solide?

Le fils a désormais 15 ans. Il vit une peine d’amour et il souffre beaucoup. Il n’a pas de frère ou de sœur à qui se confier. Il tente courageusement d’en parler avec son père, mais la réponse est sèche : « Dans la vie, ne fais confiance à personne, tu ne dois compter que sur toi-même. »

Enfin, le fils a 20 ans. Il a terminé son DEC en gestion agricole, mais a fait cela pour rien. Il n’a pas envie de prendre la relève de l’entreprise. Il veut vivre autre chose que la vie de son père. Il trouve le courage de le lui dire. Fred explose dans une colère intense, demande à son fils de quitter le domicile et lui dit « qu’il est une honte pour la famille ». Noah a le cœur brisé et se sent très seul.

Deuxième scénario

Le fils de cinq ans joue avec son père et se blesse. Il se met à pleurer et le père prend soin de le réconforter, de lui dire que c’est normal de pleurer quand on a mal, qu’il a le droit de souffrir et que son bobo va finir par guérir.

Le fils de 10 ans est à la pêche avec son père. Fred a fait de la place dans son horaire pour Noah, car le bon temps passé ensemble est important à ses yeux. Il y a de la place pour le plaisir, le loisir.

Le fils a 15 ans. Il vit sa première peine d’amour. Il en parle avec son père, qui lui dit : « Tu sais Noah, j’ai vécu ça moi aussi et j’ai eu ben de la peine, c’est normal que tu te sentes de même. » La douleur est entendue, normalisée et comprise.

Enfin, le fils a 17 ans. Il doit choisir son programme d’études postsecondaires. Comme il a un bon lien avec son père, il est capable de lui dire qu’il ne se voit pas prendre la relève de la ferme. Le père est déçu, mais il comprend que son fils ne souhaite pas la même chose que lui et il veut son bonheur. Il réagit avec ouverture et compréhension. Le fils suit ses rêves et devient un excellent architecte.

Parfois, les pères ne réalisent pas l’incidence qu’ils ont sur leur fils. Comment le père pourrait-il aider à construire un humain solide? À part le travail, qu’est-ce que l’on veut transmettre à nos enfants? Comment construire une société qui prend le temps de vivre et accepter son humanité au lieu de survivre?


 
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