À coeur ouvert 10 juin 2024

Ode aux chemins de garnotte

Selon vous, quel paysage est le plus beau? Celui qu’on voit à toute vitesse, qu’on devine de l’autoroute, pendant qu’on roule à 100 km/h? Ou celui qu’on déguste, qu’on savoure, qu’on marche, qu’on découvre lentement, sur les routes de campagne, au cœur de nos villages et de nos rangs? Personnellement, je préfère le second! 

Ces chemins-là, je les appelle les chemins de garnotte. Bien sûr, on y roule moins vite et moins droit que sur les autoroutes. Ils ne sont pas toujours bien identifiés sur les Google Maps de ce monde. Parfois, seuls les gens de la place les connaissent ou les empruntent. Pourtant, les chemins de garnotte sont ceux qui occupent le territoire. Ceux qui permettent de rencontrer nos voisins. Les chemins de garnotte invitent à nos fermes, ouvrent sur notre terroir. 

Pour faire suite à ma chronique du 8 mai (Faire acte de foi), je souhaitais rester dans l’analogie des routes et de la conduite, mais en vous amenant cette fois sur les possibilités qui se cachent quand on sort de la grand-route. 

Pour moi, l’autoroute, c’est la manière facile. La solution tracée, rapide. Le chemin le plus emprunté, qu’on ne remet pas en question. Le chemin pour lequel on a aussi le plus de balises, donc, parfois, celui le plus rassurant. 

Dans le cas de votre ferme ou de votre entreprise, l’autoroute, c’est quoi? Est-ce reprendre l’entreprise familiale sans même se demander si ce projet vous tient réellement à cœur? Est-ce grossir à tout prix, à l’image du modèle agricole dominant? Est-ce se mettre la pression pour avoir la plus belle terre, le dernier tracteur, la meilleure vache, le plus grand kiosque fermier?

Parfois, l’autoroute, c’est juste le chemin le plus efficace pour se rendre du point A au point B. Ça peut être de suivre les protocoles, de faire ce qu’il faut, de faucher au bon moment. Si l’autoroute est votre méthode pour arriver plus rapidement à destination, c’est bien parfait.

Mais parfois, il peut être intéressant d’explorer. De voir si d’autres options nous conviendraient mieux.

De ne pas voir l’entreprise comme une suite de projets à accomplir le plus rapidement possible, mais de savourer le quotidien, et la lenteur. Les chemins de garnotte représentent ça pour moi. C’est prendre la 138 au lieu de la 40; on arrivera au même endroit, mais on s’ouvrira à tant d’expériences de plus sur le passage! 

Et sur la 138 de la vie, peut-être qu’on décidera de ralentir. De cultiver moins grand, d’avoir moins de bêtes. Ou au contraire, de grandir plus, de rêver grand! Peut-être qu’on décidera de créer une coopérative, de s’associer. Peut-être qu’on inventera un nouveau modèle, qu’on dessinera un lendemain qui n’existe pas. En faisant un pas de côté, en acceptant de penser en dehors de la boîte, en ne glissant pas d’emblée dans le moule habituel, qui sait ce qu’on pourrait trouver? 

Le modèle agricole est en pleine transformation. Les changements climatiques, la mondialisation et tant d’autres facteurs l’influencent de 1001 façons. Un changement de culture s’opère également chez nos jeunes, qui souhaitent un meilleur équilibre. Le contexte économique force à se renouveler, à mettre en commun, à trouver de nouvelles façons de faire. Est-ce une invitation, tant pour les agriculteurs et le réseau agricole que pour les décideurs, d’emprunter de nouvelles avenues? 

Comme travailleuse de rang, je suis témoin de plusieurs exemples de cette belle créativité. Il reste cependant difficile, parfois, de se faire entendre des institutions pour lesquelles il faut un peu plus « cocher toutes les cases » de la boîte habituelle. Ou comme producteur, de s’assumer, puisque l’entourage regarde parfois la différence avec doute et curiosité. Soyons donc fiers de sortir des sentiers battus, d’oser la nouveauté. Appuyons nos agriculteurs qui essaient, innovent, se créent un chemin à leurs couleurs. Habitués de l’autoroute, ferez-vous un petit détour par un chemin de garnotte aujourd’hui?   


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Si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Pour l’aide d’un travailleur de rang, contactez le 450 768-6995 ou par courriel [email protected].