Actualités 28 août 2014

Semis 2014 : « Ça commence à urger! »

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Le dégel tardif commence à semer l’angoisse dans certaines fermes. Déjà, des producteurs doivent changer leur plan de culture ou éventuellement, songer à le faire… Voici une petite tournée des régions.

En Montérégie, des laitues aux ordures

Chez les maraîchers, le temps presse. Les retards de mise en terre des légumes pourraient ne jamais être rattrapés. Même qu’officiellement, certains producteurs accusent déjà des pertes. « Nous avons jeté 800 plateaux de laitues parce qu’il a été impossible de les planter. La belle température d’aujourd’hui et de demain (7 et 8 mai) pourra au moins nous permettre de travailler de bonnes superficies », mentionne Jean-Claude Guérin, copropriétaire de Maraîchers JPL Guerin & Fils, au sud de Montréal. Les oignons l’inquiètent également. « Ça commence à urger! Nous avons 40 hectares d’oignon à faire, et rien n’est commencé. Nous débuterons demain, mais ils annoncent ensuite de la pluie… Avec un peu de chance, on devrait en planter 15 %. Ça nous calmera un peu, mais la situation est encore stressante! » ajoute-t-il. Idem dans la carotte où presque tout reste à faire. Le maraîcher ne se trouve pas en mode panique pour autant. « Le retard fera en sorte qu’il faudra oublier les grandes quantités de primeurs. Encore là, si le reste du mois de mai s’avère particulièrement chaud, on pourrait rattraper une partie du temps perdu. Chose certaine, dans la laitue, celles que nous avons jetées ne seront pas récoltées », se désole-t-il.

« Ça va tourner de bord! »

Toujours en Montérégie, Christian Voghell est copropriétaire d’une ferme d’un peu plus de 1 400 hectares cultivables. Malgré cette importante superficie à semer, l’agriculteur garde le moral : « Un bon jour, ça va tourner de bord!, espère-t-il. On gagne de la chaleur chaque jour. Il faut le prendre comme ça, car on n’a pas de contrôle sur la météo. » Le terrain boueux ne constitue pas le seul facteur qui empêche les producteurs de travailler. La terre est froide. « Le sol était encore gelé il n’y a pas longtemps. C’est rare à ce temps-ci. Si nous avions semé il y a deux semaines, les graines auraient pourri ou n’auraient pas levé de façon égale. Donc, on attend, mais on a bien hâte… » insiste-t-il.

Travailler 24 h sur 24

Un producteur de grandes cultures au sud de Montréal doit ensemencer 650 hectares de soya et de maïs. Même en tournant le calendrier de différentes façons, il arrive au même constat : des baisses de rendement seront à prévoir. « Il y a deux ans, on commençait à semer le maïs le 17 avril. L’an dernier, le 27 avril. Aujourd’hui, nous sommes le 8 mai et rien n’est fait. Nous accusons définitivement du retard. Et le tiers de mes semences font 3 000 unités thermiques. Si au 15 mai elles ne sont pas semées, je devrai les retourner pour diminuer les unités thermiques, ce qui signifiera des pertes de rendement », estime Jérémie Letellier, de Napierville. Ce dernier sait que ses associés et lui dormiront peu une fois que le terrain sera prêt. « Nous devrons travailler peut-être pas 24 heures sur 24, mais pas loin », présage-t-il.

Retourner ses semences hâtives?

Plusieurs producteurs songent à retourner leurs semences trop hâtives. Benoit Côté, agronome à La Coop Comax à Saint-Hyacinthe, relativise la situation. « Dans le maïs, en règle générale, pour l’ensemble des semences vendues, les producteurs ont jusqu’au 20 mai pour les mettre en terre avant de penser les échanger. Ce qui est plus problématique, ce sont les producteurs qui ont « étiré » les unités thermiques, par exemple du soya équivalant à 3 000 UTM. Eux commencent à y penser, avec raison. » L’agronome met toutefois en garde les producteurs qui voudraient commencer les semis malgré des conditions trop humides. « N’oublions pas qu’un semis uniforme, c’est payant. Or, si la terre est trop humide lors du semis, il se forme de la compaction entre les disques. Une forme de lissage qui part très mal une saison pour la plante… » assure-t-il.

Les Américains aussi

« On a perdu la fenêtre de la première semaine de mai, ça, c’est certain », reconnaît Heinz Grogg, un producteur de Lanaudière. Dans le blé, la portion que j’avais prévu semer ce printemps est à oublier. Il est trop tard; je devrai le faire en soya », explique-t-il. Celui qui cultive près de 500 hectares affirme que les Américains vivent le même phénomène. « J’étais aux États-Unis dernièrement, et les producteurs sont en retard. Ils regardaient continuellement la météo sur leur cellulaire! » raconte M. Grogg, qui souhaite un été et un automne « coopératifs ». « Nous devrons peut-être baisser certaines de nos semences de 100 à 150 UTM, mais si nous connaissons une bonne saison de croissance qui s’étire à l’automne, ce ne sera peut-être pas si mal », conclut-il.

De la neige au Lac!

En demandant à Michel Frigon, un agriculteur au nord du Lac-Saint-Jean, comment se présentaient ses semis, il répond par une phrase tranchante : « C’est drôle que tu téléphones, car je ne te mens pas, je viens juste d’aller étendre de la neige avec mon tracteur dans le champ! » De fait, impossible pour M. Frigon de semer. « Même si je voulais, j’en serais incapable. Il faudrait que je contourne les bancs de neige. C’est surtout près de mes haies brise-vent où il y a encore trois pieds de neige… Hey! On est rendu le 8 mai! Je n’ai jamais vu ça », commente-t-il, avec un brin d’humour. Néanmoins, le retard n’est pas catastrophique, car au fil des années, les semis débutent normalement entre le 15 et le 20 mai dans ce secteur d’Albanel.

Pas de mortalité

Bonne nouvelle dans l’Est-du-Québec, à La Pocatière du moins : les agriculteurs n’auront pas à effectuer des semis pour « réparer » des pâturages. « Dans nos champs de plantes fourragères, c’est fou comment tout a “décollé” en quelques jours. C’était le temps! Et surtout, nous sommes contents de constater qu’il n’y pas de mortalité », exprime Pascal Pelletier, copropriétaires de la Ferme Pocatoise illimitée. Concernant les semis, le jeune producteur ne s’estime pas en retard. « Ça ressemble pas mal aux mêmes dates que dans les années antérieures. On commencera d’un jour à l’autre les céréales. Certains dans la région feront du maïs possiblement la semaine prochaine (semaine du 12 mai). Nous, on préfère attendre pour le maïs, car étant bio, nous ne disposons pas d’enrobage antifongique et le sol est encore un peu froid », indique-t-il.