Actualités 22 novembre 2018

Les Productions Beaudry inc. : une histoire de résilience

Cindy et Billy Beaudry ne s’en cachent pas : le décès de leur père et d’un de leurs employés lors d’un accident tragique à la ferme en septembre 2016 a créé une terrible onde de choc dans leurs vies, mais aussi au sein de la compagnie. À force de persévérance et de sacrifices, ils ont cependant été capables de réorienter leurs affaires pour assurer la pérennité de l’entreprise familiale.

Outre le drame humain, la perte de main-d’œuvre a obligé Cindy et Billy à accélérer leurs plans. « On avait déjà entamé la transition vers les grandes cultures, mais ces deux départs -soudains nous ont forcés à la devancer de deux ans environ », explique Billy.

Le temps de trouver leurs repères et de former un nouvel employé, le frère et la sœur ont dû mettre en vente l’entreprise d’edamames qu’ils avaient récemment créée pour se concentrer sur leur activité principale. « On était rendus dans une cinquantaine d’épiceries, affirme Cindy. On arrivait au bout le fun, mais on a dû abandonner. À un moment donné, quand tu fais juste le minimum dans les deux compagnies, tu perds des deux bouts. » Ils sont toujours à la recherche d’un acquéreur.

Résultat de cette focalisation, ils peuvent enfin dire qu’ils ont repris le dessus et ne sont plus en mode rattrapage. Aujourd’hui, bien qu’ils conservent le nom de l’entreprise Beau-Porc, ce sont les Productions Beaudry qu’ils promeuvent. Les bâtiments servant à l’élevage de cochons sont désormais loués ou exploités de manière contractuelle. « Ça nous permet d’avoir un revenu stable et de garder nos installations en bon état, explique Cindy. On ne sait jamais. Même si nos enfants sont jeunes, l’un d’eux pourrait avoir envie d’aller vers le porc. On pense déjà à notre propre relève! »

Les Productions Beaudry inc. exploitent 650 hectares de terres, dont environ 150 sont loués. Loin de se conforter dans leur nouvelle stabilité, les deux agriculteurs, Billy en tête, travaillent à optimiser les revenus qu’ils peuvent tirer de leurs grains.

Un des problèmes auxquels ils ont à faire face est la grande diversité des sols de leurs différentes parcelles. Ils ont donc divisé celles-ci en deux catégories : celles avec un haut potentiel et celles dont le rendement devrait normalement être plus faible. Sur les meilleures, ils ont établi un système de rotation de six ans : quatre années de maïs, une de soja et une de céréale. Les moins performantes suivent un cycle de trois ans : maïs, soja et céréale en semis direct.

Ce roulement plus court a généré de bons résultats. « Ça nous permet de moins travailler le sol, indique Billy. Je souhaitais surtout réduire mes coûts de production, mais je me suis aussi aperçu que le rendement s’améliorait. »

Le lisier comme solution

Pour minimiser leurs achats d’engrais chimiques, Cindy et Billy exploitent une ressource abondante dans leur patelin : le lisier. La région de Saint-Valérien-de-Milton en a un surplus et bon nombre d’éleveurs viennent les voir, chaque année, pour leur demander d’utiliser leur fertilisant. 

« Le défi, croit Billy, c’est de bien le gérer pour éviter la compaction du sol. Je l’étends toujours après la récolte de mes céréales et j’emploie des engrais verts pour faciliter son absorption. » 

Cindy et Billy effectuent d’ailleurs des tests d’engrais verts chaque année. Ils sèment du blé ou des légumineuses, allant jusqu’à les intercaler avec des radis. « Outre l’aspect environne-mental, ça nous permet de travailler la structure de nos sols, explique Cindy. On sait que notre machinerie est trop lourde, alors on tente de compenser en laissant un maximum de racines dans la terre. »

Ce faisant, ils économisent sur les engrais chimiques. Ils utilisent de l’azote lors des semis et quand le plant de maïs présente deux ou trois feuilles. À 12 feuilles, ils effectuent un dernier arrosage de précision. En saturant d’azote une bande en bord de champ dont il se sert comme témoin, Billy emploie ensuite un capteur GreenSeeker qui détermine la capacité de la plante à réfléchir la lumière. Selon cette mesure, il ajuste l’arrosage.

Enfin, les Productions Beaudry ont réussi à instaurer une stratégie de vente écrite, ce qui les autorise à la réviser et à l’améliorer chaque année. Ils sont actifs à la fois sur la bourse de Chicago et sur des bases locales pour maximiser la valeur de leurs grains. « Lorsqu’on travaille autant, ce n’est pas possible de vendre toujours au meilleur prix, explique Cindy. Notre but, c’est d’établir une bonne moyenne. » N’empêche, la supervision des marchés est chronophage et Billy travaille à mettre en place une solution qui lui permettra de clore automatiquement ses prix lors de contrats à terme.

Charles Prémont, journaliste

Cet article est paru dans l’édition d’octobre 2018 du magazine GRAINS.