Page conseils 23 novembre 2020

Le ver de terre et le laboureur (1re partie)

La présence abondante de vers de terre suscite chez l’agriculteur le sentiment que le sol est et sera favorable à ses cultures. Il est en effet assez bien documenté que les vers de terre améliorent la structure du sol, entre autres par la production de turricules contenant du sol amélioré et des liants favorables à l’agglomération des particules. De plus, leurs galeries améliorent l’aération du sol ainsi que l’infiltration de l’eau et facilitent la croissance des racines. Dans ce premier article, nous nous pencherons sur le mode de vie des vers de terre.

Tout d’abord, mentionnons qu’il existe 20 espèces de vers de terre au Québec. Certains peuvent atteindre une longueur de 300 mm (1 pi) et d’autres ne dépasseront pas 30 mm (1 po) à leur stade adulte. Ainsi, tous les petits vers ne deviendront pas grands! On distingue les espèces de vers de terre par leurs traits morphologiques (nombre d’anneaux, diamètre, couleur, nombre et position des cils tracteurs, etc.) et on les classe en catégories selon le secteur de sol qu’ils explorent.

Les vers épigés, mesurant généralement moins de 50 mm (2 po) et le plus souvent rouge écarlate, se maintiennent près de la surface du sol et se déplacent horizontalement dans la couche de résidus végétaux. On retrouve très peu de vers épigés dans les superficies cultivées où il y a travail du sol.

Les vers endogés, typiquement entre 50 et 110 mm (2 et 4 po) de long, sont généralement de couleur violacée ou rosâtre et se déplacent horizontalement dans la couche de sol arable. Ce sont eux que l’on retrouve le plus fréquemment en sol cultivé.

Les vers anéciques, quant à eux, peuvent atteindre 300 mm (1 pi) et présentent un plus grand diamètre. Ils se déplacent verticalement, utilisent généralement le même tunnel, et peuvent se retrouver à plus de 1 m (3 pi) sous la surface du sol. Les lombrics terrestres sont  l’espèce représentative de cette catégorie au Québec. On les retrouve plus abondamment en sol cultivé sous semis direct où ils « construisent » les fameuses cabanes de vers de terre.

Enfin, les vers limicoles, de couleur jaune-verdâtre, se retrouvent en milieux humides et sont plus tolérants à des situations de sol inondé. On retrouve assez souvent l’espèce limicole Allolobophora chlorotica en sol cultivé. Sa présence en abondance peut indiquer des problèmes présents ou passés de drainage.

Le mode d’alimentation et de reproduction des diverses espèces de vers de terre est semblable. On pense souvent à tort que les vers de terre « mangent » de la terre. En fait, ils se nourrissent des micro-organismes (bactéries, champignons et autres) qui décomposent les tissus végétaux et animaux qui sont dispersés dans le sol. Ainsi, les vers de terre enfouissent des résidus végétaux dans l’objectif de les livrer aux décomposeurs primaires qui réalisent la dégradation de la cellulose. 

L’humidité et la température du sol sont importantes pour l’activité des vers de terre. Ceux-ci auront donc un maximum d’activité au printemps et à l’automne lorsque le sol est bien humide, ce qui favorise la décomposition des résidus végétaux et facilite leurs déplacements. En été, ils seront généralement en estivation, roulés en boule dans le sol argileux ou en profondeur dans les sols plus sableux. En hiver, ils descendront en profondeur afin d’éviter le gel. Lorsque le niveau de la nappe phréatique frôlera la surface du sol, ceux-ci sortiront, car toutes leurs galeries seront inondées. Ainsi désorientés, ils iront même sur les surfaces asphaltées ou bétonnées et le tout se terminera souvent par une hécatombe. Enfin, on ne retrouve presque pas de vers de terre en sol à très haute teneur en sable, et ce, à cause des particules aux arêtes coupantes.

Dans un deuxième article, nous discuterons des éléments qui favorisent la présence des vers de terre (rotation, période et mode de travail de sol, culture de couverture, gestion phytosanitaire, etc.). 

Gérald Villeneuve, agr., conseiller en agroenvironnement à AGEO-Club