Fertilisation 14 mars 2023

Des pratiques qui évoluent

En matière de fertilisation, l’innovation passe par une meilleure régie des éléments en place. Tenant compte de la science et des impératifs agronomiques et environnementaux à considérer, chercheurs et experts en sols travaillent à optimiser les processus, et des approches innovantes prennent forme.

Recherche : des protocoles bonifiés

Différentes recherches étudient la réponse des cultures et la santé des sols en lien avec la gestion des matières fertilisantes. Le Centre de recherche sur les grains (CÉROM) mène des essais de longue durée afin de suivre l’évolution des effets cumulatifs de différentes doses d’engrais minéraux (azote, phosphore, potassium) sur la fertilité des sols, les rendements des cultures et la qualité des grains dans une rotation maïs-soya en labour conventionnel ou en semis direct.

L’application d’azote à taux variable devrait être mise en place sur l’ensemble des superficies cultivées.

Denis Lévesque, expert en fertilisation chez Synagri

« L’année passée, nous avons introduit le blé de printemps dans la rotation », commente Marie Bipfubusa, Ph. D. et chercheuse en régie des cultures au CÉROM. « D’autres essais visent à déterminer les avantages agronomiques et environnementaux de l’utilisation de trois formes d’urée à efficacité améliorée, précise la chercheuse. Pour ce projet, les essais aux champs sont finis et nous sommes dans la phase d’analyse des données. À ma connaissance, c’est la première fois que des engrais à efficacité améliorée sont testés dans le blé d’automne au Québec. » Les résultats de cette étude financée par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de ­l’Alimentation du Québec (MAPAQ) seront publiés d’ici 2024. De nouveaux essais sur la fertilisation azotée du blé d’automne ont également commencé l’automne dernier sur les sites de Belœil et de La Pocatière. Financé par les Producteurs de grains du Québec, le projet vise à établir un comparatif de performance dans différents contextes météorologiques.

Les effets cumulatifs de différentes doses d’engrais minéraux (azote, phosphore, potassium) sont testés sur la fertilité des sols et les rendements des cultures. Photo : Gracieuseté du CÉROM

À l’Institut de recherche et développement en agroenvironnement (IRDA), beaucoup d’efforts sont investis dans le développement de nouvelles régies culturales qui ont recours aux engrais verts et à une utilisation coordonnée des engrais organiques et minéraux. Dans leurs stratégies de soutien aux agriculteurs, les experts réalisent des essais pour établir les coefficients d’efficacité en azote, phosphore ou potassium de divers produits organiques et valider les bénéfices des biostimulants. Rappelons que l’IRDA participe aussi à la révision des grilles de fertilisation du MAPAQ. Ce mandat se poursuit et les nouvelles grilles de référence seront complétées d’ici la fin de 2023. 

Innover dans l’approche

Dans l’intervalle, d’autres essais se poursuivent sur des produits conçus pour répondre à des enjeux précis, et des logistiques novatrices, mieux adaptées aux caractéristiques du terrain, sont proposées aux agriculteurs. Ici, un calibrage judicieux des éléments en place permet d’accomplir des progrès appréciables, notamment dans le contexte du Plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF). Félix Marsan-Pelletier, agr., M. Sc. et expert en sols et ­fertilisants chez Synagri, rappelle que la gestion du produit lui-même est un critère important de l’équation. « L’azote est un élément essentiel à l’agriculture et toute amélioration de sa gestion est souhaitable puisque ce dernier peut causer des gaz à effet de serre [GES] ou polluer les cours d’eau s’il est perdu dans l’environnement », reconnaît l’agronome, qui résume bien l’enjeu auquel sont confrontés les exploitants agricoles. « Le gouvernement canadien vise à réduire de 30 % les émissions de GES provenant de l’application de fertilisants azotés d’ici 2030 par rapport à 2020, sans cible de réduction des quantités appliquées. À l’inverse, le gouvernement québécois vise une réduction de 15 % des quantités de fertilisants azotés appliqués [minéraux, organiques, MRF], avec l’objectif de diminuer les GES, mais sans objectif de réduction, aucune donnée chiffrée n’estimant la quantité de GES évités avec une telle réduction », observe-t-il. 

Pour lui, la diminution des GES doit d’abord passer par une meilleure gestion des applications puisque, pour une même quantité d’azote, les pertes varieront grandement en fonction de divers facteurs comme l’incorporation, le produit, la température et la pluviométrie. « Quelques fertilisants azotés ou produits ajoutés à ceux-ci peuvent, dans une certaine mesure, protéger l’azote qu’ils contiennent afin d’éviter des pertes par volatilisation, lessivage et dénitrification. Par contre, ils ont une efficacité limitée qui varie également en fonction de multiples facteurs, dont la fréquence et l’intensité de la pluie. Ils ne doivent pas se substituer aux meilleures pratiques de gestion de l’azote », explique M. Marsan-Pelletier, qui croit fermement qu’une saine gestion des matières fertilisantes, dont l’azote, doit être basée sur le concept des 4 B développé par le Réseau végétal Québec (RVQ) : le bon produit, le bon placement, la bonne période et la bonne dose.

Pour combler les besoins restants, on recommande des produits qui sont moins susceptibles à la volatilisation et donc aux pertes, comme l’Amidas, les fertilisants 3 et 5 étoiles et le N-Power Bleu.

Denis Lévesque, expert en fertilisation chez Synagri

Pour des scénarios plus performants

De nouveaux essais sur la fertilisation azotée du blé d’automne ont également commencé sur les sites de Belœil et de La Pocatière. Photo : Gracieuseté du CÉROM.

Partant des résultats d’essais et des facteurs observés sur le terrain, Denis Lévesque, technologue et expert en fertilisation chez Synagri, illustre un type d’approche utilisée pour optimiser la performance des sols. « On détermine d’abord les besoins en azote de chaque culture en fonction du potentiel de rendement. On établit ensuite la quantité d’azote pouvant être fournie par le sol à la culture pendant sa saison de croissance. Plusieurs facteurs sont à considérer : le pourcentage de matière organique, le pH du sol, le type de sol », relate M. Lévesque, notant que la ­fertilisation minérale viendra combler les besoins en azote total de la culture qui ne sont pas fournis par le sol, le précédent cultural et les apports des fertilisants organiques. « Pour combler les besoins restants, on recommande des produits qui sont moins susceptibles à la volatilisation et donc aux pertes, comme l’Amidas, les fertilisants 3 et 5 étoiles et le N-Power Bleu. Leur apport doit être fractionné selon la culture, les périodes d’absorption par les cultures et les conditions climatiques durant la saison », résume-t-il. 

Pour ce formateur en sols et fertilisation raisonnée, l’application d’azote à taux variable devrait être mise en place sur l’ensemble des superficies cultivées. « Ce type de gestion, qui consiste à faire varier à l’intérieur d’un même champ les besoins et les apports en fonction des facteurs déjà énumérés, assure une précision supplémentaire, tout en maximisant le potentiel de rendement et en diminuant les pertes. »


 

Pour consulter les nouvelles grilles de fertilisation du MAPAQ : bit.ly/3JjuM3H