Économie 16 février 2023

Des démarrages d’érablières plus souffrants que prévu

Dépassements de coûts faramineux, hausses des taux d’intérêt et retards dans l’acquisition d’équipement. Plusieurs démarrages d’érablières ne se passent pas aussi bien que prévu.

Sur les 3,2 millions d’entailles émises en 2021 pour les démarrages d’érablières, seulement 29 % ont été installées, et le tic-tac de l’horloge se fait entendre aux oreilles de ces futurs producteurs qui ont jusqu’au 1er avril 2024 pour s’installer, sans quoi, et sauf exception, ils perdront les entailles qui leur ont été attribuées par les Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ). 

La Terre a demandé aux PPAQ si ce taux de 29 % d’entailles installées pour le démarrage les inquiète. « Nous avons confiance que les producteurs et productrices aient installé un maximum d’entailles d’ici le 1er avril 2024 », a répondu Joël Vaudeville, directeur des communications chez les PPAQ.

À Saint-Thuribe, dans Portneuf, Martin Brouillard, lui, s’inquiète. « Pour une personne comme moi, novice, qui part de zéro, qui doit construire une cabane, le délai n’est pas suffisant. Surtout que pour bien faire les choses, il faut réaliser l’aménagement avant de poser la tubulure. C’est ce qui est long. Et la main-d’œuvre ne se garroche pas », dépeint celui qui envisage de demander une extension. Au-delà des délais, M. Brouillard fait mention d’investissements vertigineux. « Les dépassements de coût sont faramineux. Il n’y a aucun chiffre que je respecte dans mon plan d’affaires », se désole celui qui exploitera au départ près de 3 000 entailles.

Des abandons

À Bolton-Ouest, en Estrie, Martin Breton côtoie un groupe d’acériculteurs qui, comme lui, ont reçu un peu moins de 3 000 entailles de contingent pour le démarrage. Il anticipe que certains d’entre eux ne seront malheureusement pas en mesure de livrer du sirop avant le fameux délai du 1er avril 2024, et même qu’ils pourraient carrément laisser tomber.

À Lac-Mégantic, le conseiller Vincent Poisson, du Club acéricole du sud du Québec, s’attend à ce que le tiers des projets de démarrage associés à l’émission de contingent de 2021 soit en production cette année, un autre tiers tout juste pour le délai de 2024 et un tiers qui abandonnera définitivement. « Avec 2 924 entailles par érablière [le contingent émis en 2021], il y en a plusieurs qui se rendent compte que ce n’est pas assez d’entailles pour être rentable. Ils ne se partent pas. Aussi, certains néophytes pensaient que c’était simple de faire du sirop. Mais c’est long et ardu. Juste bâtir une cabane, il faut des plans d’architecte dans bien des municipalités. Le prix et la disponibilité des contracteurs, ce n’est pas évident, les délais pour avoir les équipements non plus. Ensuite, des bûcherons pour aménager [la forêt], il n’y en a pas, etc. », énumère le conseiller.

Répartition des émissions

Le futur acériculteur Martin Brouillard suggère que pour empêcher les prix d’équipement de s’emballer, la répartition des émissions aurait pu être échelonnée dans le temps. « On demande aux gens de tous s’équiper en même temps. Si [les PPAQ] en avaient plutôt donné [du contingent] un peu chaque année, les manufacturiers d’équipement et les installateurs auraient été capables de fournir », analyse celui qui a possédé une compagnie dans un autre domaine pendant 20 ans.

À ce sujet, M. Vaudeville, des PPAQ, précise que la décision d’émettre des entailles dépend de plusieurs facteurs. « Les 7 millions d’entailles ont été émises en 2021 des suites des récoltes précédentes et de la pression sur la réserve stratégique », rappelle-t-il. 


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