Économie 26 février 2023

Contrats à terme : âmes sensibles s’abstenir

Bien que les contrats à terme en agriculture constituent un bon moyen de s’assurer un prix pour sa récolte à venir, ils ne sont pas sans risque. 

« C’est un marché que je réserverais aux producteurs qui opèrent avec de gros volumes. Il y a un aspect boursier à double tranchant là-dedans », soutient Étienne Lafrance, agent d’information sur les marchés aux Producteurs de grains du Québec (PGQ).

Étienne Lafrance, agent d’information sur les marchés aux Producteurs de grains du Québec
Étienne Lafrance, agent d’information sur les marchés aux Producteurs de grains du Québec

À noter que les contrats à terme constituent un marché « papier » où il est possible de vendre sans avoir la marchandise et d’acheter sans prendre livraison. Il faut éviter de les confondre avec les contrats à livraison différée, qui sont des ententes négociées de gré à gré entre, par exemple, un producteur de blé et un transformateur. Dans ce cas-ci, le vendeur s’engage à livrer du blé à l’acheteur selon les conditions prévues au contrat relativement à la quantité et à la qualité du blé, à la date de livraison future et au prix fixé.

« Ne va pas vendre une tonne de blé à la bourse si tu ne connais pas ton coût de production, avance pour sa part Simon Brière, stratège principal chez R.J. O’Brien & Associés, une firme spécialisée dans les opérations de contrats à terme et de change. As-tu un plan de mise en marché? C’est quoi, ton plan de culture? Ce sont les premières questions que je pose à un producteur qui veut aller sur le marché des contrats à terme. » 

« Présentement, le marché est extrêmement stressé dans un contexte où les stocks mondiaux sont relativement serrés. Le moindre chambardement fait augmenter ou baisser les prix des grains. Le producteur qui s’aventure là-dedans doit accepter qu’il y a beaucoup d’éléments hors de son contrôle », précise Étienne Lafrance. 

Une décision mathématique

« Le plus grand piège qui guette ceux qui veulent commercialiser à l’avance leur récolte, c’est de spéculer sur la hausse ou la baisse des prix. Il faut se concentrer sur la profitabilité de l’entreprise, sur la petite ligne en bas de l’état financier. Je connais mon coût de production et le prix sur le marché à terme est bon pour moi : je vends. C’est une décision mathématique. Mais je n’engage jamais plus de 50 % de ma récolte escomptée parce que les prix peuvent encore monter ou bien je peux me ramasser avec une moins bonne récolte », met en garde Simon Brière. 

De son côté, l’agent d’information sur les marchés aux PGQ conseille par-dessus tout au producteur de parler à son banquier avant de s’aventurer dans l’univers des contrats à terme. « Tu dois avoir des liquidités financières qui peuvent représenter un bon montant d’argent si les prix augmentent et que tu as fermé ton contrat en dessous de ce prix. Si tu n’as pas cette somme, ça peut être stressant pour le producteur et l’amener à prendre des décisions néfastes pour l’entreprise. » 

Enfin, Simon Brière suggère souvent à ses clients d’inscrire un X au calendrier sur la date du 4 juillet. « C’est un long congé aux États-Unis, un moment assez névralgique dans le marché des grains. On a en main les prévisions météo pour les deux ou trois prochaines semaines. Les rapports sur l’agriculture sont sortis et on connaît ce qui a été ensemencé. On a maintenant une bonne idée de ce qui devrait se passer et on peut commencer à argumenter un peu plus », conclut-il.


Ce texte a été publié dans le cadre du cahier spécial Commercialisation des grains, paru dans La Terre de chez nous du 8 février 2023