Actualités 10 février 2023

Des centaines d’éoliennes s’en viennent

Des promoteurs de parcs éoliens sillonnent présentement les rangs pour faire signer des autorisations de construction d’éoliennes chez des agriculteurs. C’est qu’en décembre dernier, Hydro-Québec a exprimé la volonté de lancer un nouvel appel d’offres de 4 000 mégawatts spécifiquement attribués à la production éolienne, ce qui se traduira par l’installation de plus de 600 éoliennes. Voilà qui pourrait changer le paysage rural, car, selon les informations obtenues par La Terre, Hydro-Québec veut rapprocher la production d’énergie des zones de consommation. 

Un agriculteur du Centre-du-Québec s’est justement fait approcher dernièrement par un représentant d’Innergex. Le représentant lui a dit qu’un voisin de rang avait l’intention de signer… Il songe donc lui aussi à signer, se disant qu’il est préférable de recevoir l’argent d’une éolienne plutôt que de l’avoir devant les yeux sur la terre d’un voisin sans rien recevoir en retour. Mais ce n’est pas « un contrat d’une page », et les conséquences agronomiques, dont la compaction du sol à la suite de la construction de l’éolienne, l’inquiètent.  

Des éoliennes plus imposantes

Contacté par La Terre, Innergex n’a pas voulu préciser sa stratégie d’approche ni les zones d’éoliennes qu’elle entend développer. Boralex s’est montrée plus bavarde. Denis Legallais, chef de projet, a indiqué qu’une bonne stratégie pour remporter une partie des appels d’offres consiste à offrir l’électricité la moins chère à Hydro et de se rapprocher de ses lignes de transport situées près des centres de consommation d’électricité, d’où le développement du projet Arthabaska, également dans le Centre-du-Québec, lequel vise l’implantation de 67 éoliennes. 

Il s’agit d’éoliennes de nouvelle génération, d’une même hauteur de mât, d’environ 120 mètres, mais qui produit plus d’électricité par unité, en raison de pales plus grandes, qui auront de 70 à 80 mètres de longueur comparativement à près de 45 m pour les anciennes pales. M. Legallais estime que le projet utilisera un maximum de 30 hectares de terres cultivables, ce qui est peu par éolienne, argue-t-il, spécifiant que la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) a autorisé les projets éoliens par le passé. Il assure que son groupe évite les secteurs agricoles à haut rendement. Il approche les propriétaires des terrains d’une façon très cartésienne, selon les meilleurs sites et sans favoritisme, en s’assurant que les mêmes ententes sont offertes à tous. De plus, le chef de projet précise que Boralex a présenté aux représentants de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Centre-du-Québec les ententes qu’elle comptait soumettre aux agriculteurs et qu’à la suite de commentaires des gens de l’UPA, Boralex a bonifié plusieurs mesures.

« On n’en veut pas »

Le président de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec, l’agriculteur Daniel Habel, reconnaît que ses échanges avec Boralex donnent l’impression que sa fédération cautionne l’implantation des éoliennes sur son territoire agricole. Mais il n’en est rien, assure-t-il. « Oui, Boralex nous a interpellés assez tôt dans le processus et c’est assez exemplaire de leur part, car nous savons que deux autres promoteurs [de parcs éoliens] sont en démarche dans la région, sans nous avoir contactés. Mais si le projet [Arthabaska] de Boralex est retenu et que Boralex dépose une demande d’autorisation à la CPTAQ, nous déposerons un avis défavorable à leur projet. Notre position est claire : on n’en veut pas. On ne veut pas voir ça dans nos champs ni dans nos érablières », martèle-t-il. 

Les agriculteurs ont cependant le droit d’aller à l’encontre de leur fédération et de signer des ententes avec les promoteurs d’éoliennes. « Oui, certains sont pour et d’autres, contre. La pression va être forte… De plus, il y a les comptes de taxes qui peuvent baisser pour les résidents avec l’installation d’éoliennes. Il y a une nécessité de produire de l’énergie [avec les besoins croissants d’électricité]… On dirait que tous les éléments sont en place pour soulever un joyeux bordel! Mais ma job, c’est de défendre l’intérêt collectif : la zone agricole », résume-t-il.

Une démarche cohérente et transparente demandée

Organiser des consultations, tenir un débat collectif et obtenir une vision d’ensemble pour l’établissement des nombreux parcs éoliens qui s’en viennent; voilà ce que demandent l’Union des producteurs agricoles et son directeur général, Charles-Félix Ross. « Le problème avec les éoliennes, actuellement, c’est qu’on n’a aucune idée où ils veulent les mettre! Des promoteurs se promènent d’un bord et de l’autre pour faire signer des papiers en catimini. C’est un peu du n’importe quoi. Nous, on a clairement des demandes au gouvernement et à Hydro-Québec : rendre le processus transparent et l’introduire dans une cohérence d’aménagement du territoire », spécifie-t-il, en ajoutant vouloir « le moins possible » d’éoliennes qui grugeront du territoire agricole.

La Fédération des municipalités favorable aux éoliennes

La venue d’un parc d’éoliennes représente une excellente occasion de créer un nouveau levier économique pour une région, souligne Michel Lagacé, président de la commission Énergie de la Fédération québécoise des municipalités. Lui-même préfet de la MRC de Rivière-du-Loup, il encense les revenus annuels de 2,4 M$ qu’obtient sa région en provenance des éoliennes. Il dit que les projets d’aujourd’hui sont mieux ficelés en matière d’acceptabilité sociale. Les citoyens sont invités à des simulations visuelles et leur opinion est prise en compte. Il s’agit de véritables partenariats, assure M. Lagacé, en donnant l’exemple de sa MRC, qui est actionnaire à 50 % des éoliennes avec Innergex. « C’est vraiment intéressant pour le citoyen. Les gens souhaitent même que la filière se développe », souligne-t-il.