Actualités 12 août 2020

La tomate rose telle qu’on la connaît vouée à disparaître

La variété de tomate rose la plus prisée du Québec, la Makari, disparaîtra graduellement des étals des supermarchés d’ici quatre ans. Le seul fournisseur de semence de cette variété, De Ruiter, a cessé sa production et jeté les stocks restants en début ­d’année, sans en avertir les producteurs. Si certains serriculteurs ont des semences de Makari pour les trois ou quatre prochaines années, d’autres doivent maintenant trouver une alternative pour la prochaine saison. 

Le représentant des ventes techniques de De Ruiter en Amérique du Nord, Marcin Widecki, a confirmé en entrevue à La Terre que la compagnie avait cessé sa production et jeté les semences restantes. « La production de ces semences coûtait plus cher que les profits qu’ils engendraient (traduction libre) », dit ce dernier en anglais. La politique de la compagnie exige la vente annuelle d’un minimum de 100 000 semences par variété pour maintenir cette dernière en vie. Or, le Québec était le seul consommateur de Makari à travers le monde depuis 10 ans et n’achetait que 20 000 semences par année. De Ruiter aurait proposé aux principaux producteurs de tomates roses québécois, il y a trois ans, de racheter l’inventaire de Makari à condition d’en acheter 100 000 par année, ce qui dépassait largement leurs besoins. 

C’est en passant une commande en mai dernier chez De Ruiter que le directeur des ventes de Norseco Martin Deslauriers, seul distributeur de semences de tomates roses Makari au monde, a découvert que la variété était discontinuée. « Ça s’est passé sans que personne n’en soit averti, même le représentant des ventes de De Ruiter en Amérique du Nord ne le savait pas jusqu’au moment où nous avons placé une commande et qu’ils nous disent qu’ils n’avaient plus [de Makari nulle part sur la planète] », raconte M. Deslauriers, dont les propos ont été confirmés par M. Widecki. Ils précisent tous deux que d’autres variétés de tomates roses sont disponibles aux ­producteurs québécois.

L’année prochaine, l’un des plus gros producteurs du Québec, Stéphane Bertrand, devra délaisser la variété qu’il cultive fièrement depuis 25 ans pour d’autres. Bien qu’il ait troqué la culture de la majorité de ses superficies de tomates roses pour du cannabis en 2017, Stéphane Bertrand produit toujours 1,5 ha de tomates roses à Lanoraie dans Lanaudière. « [Dans le passé] j’ai essayé tous les ans d’autres variétés de tomates roses, mais je n’étais jamais capable de retrouver la saveur de la Makari », dit-il. Le goût sucré fait la particularité de cette variété. Elle possède un degré brix de sept alors que la tomate rouge classique a un degré brix de deux, explique ce dernier, ce qui rend la tomate rose moins acide et populaire chez les personnes âgées notamment. Le producteur teste actuellement cinq autres variétés de tomates roses, mais le degré brix n’atteint pas plus de cinq. « C’est un peu stressant pour l’année prochaine, [les tomates seront] de couleur rose, mais est-ce que ça goûtera ce que je produisais depuis des lunes, ça je ne le sais pas », souligne M. Bertrand.

À Saint-Damase en Montérégie, la deuxième plus grande productrice de tomates roses du Québec, Dominique Fortier, n’est pas aussi inquiète que son confrère. Elle a des réserves de semences de Makari pour les trois ou quatre prochaines années, ce qui lui donnera le temps de tester de nouvelles variétés. « J’ai probablement les dernières semences [de Makari] qui existent sur la terre », affirme-t-elle.