Actualités 28 mai 2021

La majorité du maïs semé avec des insecticides au Québec

Les producteurs de grains veulent améliorer leurs pratiques et se montrer plus soucieux de l’environnement, mais selon les informations obtenues auprès des vendeurs de semences, la majorité des agriculteurs ont choisi des semences traitées avec un insecticide pour leurs cultures de maïs 2021.

Même si le sujet est hautement politisé, trois représentants de compagnie ont accepté d’en parler à La Terre. Chez Dekalb, l’agronome Stéphane Myre indique qu’environ 80 % de ses semences de maïs vendues au Québec pour la présente saison sont enrobées de fongicide et d’insecticide. « Cette année, le producteur avait le choix. Il pouvait acheter de la semence traitée ou pas aux insecticides. Précisons que ce ne sont pas des insecticides de la famille des néonicotinoïdes, mais bien de la famille des diamides, moins toxiques. Mais ce n’est pas évident pour le producteur d’effectuer un choix, car dans des champs où tu ne dépistes pas de ravageurs, j’ai moi-même constaté qu’en moyenne, les producteurs obtenaient plus de rendements avec les semences traitées aux insecticides », affirme M. Myre. Ce dernier précise qu’au-delà du dépistage, il faut considérer l’historique de ravageurs du champ, le type de sol, le précédent cultural, etc.

Notons que le traitement des semences n’est pas gratuit; les producteurs qui en font le choix paient chez certains semenciers entre 10 et 15 $ supplémentaires par sac de semence. La popularité des traitements de semences semble varier puisqu’un vendeur d’intrants du Centre-du-Québec confiait récemment à La Terre que 40 % de ses clients avaient opté pour le traitement de semences aux insecticides dans le maïs, tandis qu’un autre vendeur de la même région calculait plutôt que 80 % de sa clientèle en avait acheté.

Un débat plus québécois

Chez Corteva Agriscience, qui distribue entre autres les semences Pioneer, Louis-Philippe Pépin estime à environ 80 % l’utilisation des semences de maïs traitées avec un insecticide cette année. Il fait remarquer qu’il s’agit d’une amélioration considérant que près de la totalité des semences de maïs étaient traitées par le passé. « J’aime voir une réduction, mais une réduction progressive, car on ne sait pas ce qui nous pend au bout du nez quand on arrête les insecticides. Une fois que la plantule ou la semence est affectée par le ravageur, le producteur est game over, car les insectes de sol font leur dommage avant de pouvoir intervenir », commente-t-il. M. Pépin fait remarquer que le débat sur les semences traitées est plus important au Québec qu’ailleurs au Canada, puisque les producteurs de l’Ontario utilisent davantage les semences traitées que ceux du Québec cette année.   

Un constat que partage également son compétiteur Alexandre Provost, de chez  Windfield, une compagnie qui offre notamment les semences Cropland. Ce dernier dit de surcroît que la polémique soulevée par l’utilisation des pesticides crée une pression accrue sur les agronomes et les agriculteurs québécois. Il s’attend à ce que des agronomes préfèrent ne pas prescrire tel pesticide, même si cela serait justifié, de peur d’être montré du doigt. « Cette pression n’influencera pas certains agronomes, mais d‘autres oui », juge-t-il. M. Provost souligne qu’en raison de son approvisionnement américain en semences, il était difficile pour sa compagnie d’offrir toutes les variétés non traitées avec les insecticides. Un approvisionnement principalement canadien en semences permettra dès l’an prochain de renverser cette situation.

Chez Sollio Agriculture, la conseillère en communication Virginie Barbeau révèle que pour 2021, 60 % des ventes de semences de maïs sont traitées avec un insecticide de la famille des diamides. « Nous ne traitons plus nos semences de maïs et de soya avec la famille de la classe des néonics », souligne-t-elle.

Le traitement de semences aux insecticides inutile, dit le CÉROM

Les traitements de semences aux insecticides ne sont pas nécessaires si les ravageurs ne sont pas présents, rappelle Gabriela Martinez, directrice du Centre de recherche sur les grains (CÉROM). Elle cite les résultats d’une étude datée de 2020 selon lesquels 4 % des champs en grandes cultures justifiaient l’utilisation d’un enrobage d’insecticide contre l’un des principaux ravageurs des semis de maïs, le ver fil-de-fer.  D’autres dépistages de vers fil-de-fer effectués chaque année par l’équipe d’Isabelle Fréchette confirment ce chiffre, ajoute-t-elle. « Concernant l’efficacité du traitement aux nouveaux insecticides [les diamides], malheureusement nous n’avons aucune donnée québécoise pour savoir si oui ou non les nouveaux traitements sont efficaces ». Le CÉROM est financé entre autres par le ministère de l’Agriculture du Québec et les Producteurs de grains du Québec.