Actualités 4 septembre 2019

Cannabis : une avenue payante, mais difficile d’accès

Le 17 octobre prochain marquera le premier anniversaire de la légalisation du cannabis à usage récréatif au Canada. Si les revenus sont mirobolants et la profitabilité atteinte dès la deuxième année de production, le chemin à parcourir avant de pouvoir planter sa première graine de cannabis est laborieux, a constaté La Terre.

La productrice de micropousses de légumes Mélanie Fontaine, de Pierreville dans le Centre-du-Québec, a décidé de faire le saut dans le cannabis. « Présentement, une production de tomates rapporte annuellement 150 $ m2 et une production de cannabis 6 000 $/m2 », dit-elle. Selon Nicolas Ste-Marie, un développeur d’entreprises de cannabis qui a notamment lancé Hydropothecary – devenue Hexo –, la marge de profit d’un producteur de cannabis n’est que de 1,7 % la première année, mais croît à 49 % dès la deuxième pour se stabiliser à 59 % à la troisième année dans un bâtiment de 20 000 pi2.

Le cannabis est donc un marché avec beaucoup de potentiel, mais qui nécessite d’avoir les reins solides. « Les compagnies pensaient qu’elles allaient toutes faire de l’argent d’une façon très facile et en fin de compte, elles se rendent compte que c’est une business d’un sérieux inégalé, un peu plus lourd que l’industrie pharmaceutique », indique Nicolas Ste-Marie, copropriétaire de l’entreprise Cheers dont il tentait de vendre les actions au moment de l’entrevue. L’homme évoque des protocoles de salubrité, de contrôle et de sécurité sévères dans les usines de production, à laquelle ni la main-d’œuvre ni les dirigeants de l’entreprise ne sont habitués. « Il y a ben des entreprises qui ont dû recommencer des sections de pièces, rénover, ajouter des clôtures, vérifier la sécurité, changer de consultant; ce n’est pas de tout repos », indique M. Ste-Marie.

D’ailleurs, moins de 8 % des licences délivrées jusqu’à maintenant au pays par Santé Canada l’ont été sur le territoire québécois. Une source au gouvernement a expliqué à M. Ste-Marie que le manque de sérieux des entrepreneurs québécois serait en cause. Il mentionne qu’un nombre astronomique de demandes de permis auraient été faites au Québec sans terrain notarié, ni actionnariat avec une charte fédérale enregistrée, ni bâtiments, ni fonds dans un compte de banque. « On a essayé de tout avoir sans rien mettre sur la table », déplore ce dernier.

Pour pallier ce problème, Santé Canada exige depuis le mois de mai que les nouveaux demandeurs de permis aient entièrement terminé la construction du site avant même de déposer une demande de licence de culture. « C’est une norme qui va couper la moitié des investisseurs au Québec, croit M. Ste-Marie. Ça t’enlève des chances et ça laisse ton argent sur la tablette. Les gens investissent, le building est prêt et là tu attends. C’est moins alléchant. »

Longue attente

Mélanie Fontaine
Mélanie Fontaine

Mélanie Fontaine attend sa licence de culture de Santé Canada depuis 11 mois. Elle a investi 3 M$ dans une usine de 18 000 pi2, mais ne perd pas espoir. « On devrait recevoir le permis d’ici une semaine ou deux », espère-t-elle.

Le maire de Weedon Richard Tanguay en a assez de patienter. Le projet de serres de cannabis de 1,5 million de pi2, dans lequel il fonde beaucoup d’espoir pour revitaliser sa municipalité, est au point mort depuis huit mois. La demande de licence de culture n’a pas encore pu être déposée. « Il y a plein de choses qui sont arrivées et j’ai su à un moment donné que [les promoteurs] remettaient en question le projet », raconte le maire. L’homme évoque des démêlés avec la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) lors de l’achat de la terre agricole par le promoteur MYM Nutraceuticals, basé à Vancouver. Il explique aussi que les exigences de Santé Canada ont évolué depuis le début du projet en 2016. Le gouvernement demandait à l’époque que le site de production soit situé à environ un kilomètre de toute résidence habitée. Le promoteur a donc acquis une terre située dans le fond d’un rang, qui n’est approvisionnée ni par Hydro-Québec, ni par Énergir, ni par une source d’eau. « Aujourd’hui, on aurait pu avoir le même projet, mais sur une autre terre située à côté du village, qui aurait entraîné beaucoup moins de problématiques », indique M. Tanguay.

L’entreprise MYM Nutraceuticals a indiqué à La Terre que le projet avait entraîné un déficit de 22 M$ et qu’elle estimait avoir besoin de 10 à 15 M$ supplémentaires pour terminer la première phase. Tout cela, sans même avoir la certitude que Santé Canada acceptera sa demande de licence de culture lorsqu’elle sera déposée. 

La future productrice de cannabis a investi 3 M$ dans un site de 18 000 pi2, dont 7 000 sont cultivables. Photo : Gracieuseté Mélanie Fontaine
La future productrice de cannabis a investi 3 M$ dans un site de 18 000 pi2, dont 7 000 sont cultivables. Photo : Gracieuseté Mélanie Fontaine

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