Actualités 24 février 2017

Cinq conseils pour améliorer la qualité des sols

La compaction et la diminution de la matière organique mènent à la dégradation des sols. Mais comment renverser la tendance? L’UtiliTerre a demandé conseil à deux experts du secteur.

Les experts
Gilles Tremblay, agr., M. Sc., chercheur en régie des cultures au CÉROM (Centre de recherche sur les grains)
Domaine de recherche : régie des grandes cultures – adaptation, ensemencement, fertilisation, phytoprotection, récolte

Anne Vanasse, agr., Ph. D., professeure titulaire au département de phytologie de l’Université Laval
Domaine de recherche : régie des grandes cultures, agroenvironnement, phytoprotection et développement durable des cultures servant à la production de biocarburants/bioproduits.

1 – Augmenter l’apport de matière organique

Beaucoup de producteurs de grandes cultures n’ajoutent pas ou peu de matière organique à leurs sols, souligne Gilles Tremblay. Une étude du ministère québécois de l’Agriculture, réalisée de 1990 à 2000, a même démontré qu’en moyenne, les sols s’étaient appauvris de 0,1 % par an. Mais le problème est parfois beaucoup plus sérieux par endroits.

Comment remédier à la situation? Il faut ajouter du fumier, du lisier ou des matières résiduelles fertilisantes comme des boues de papetières ou municipales, explique M. Tremblay. Une autre option est de laisser le maximum de matière organique au sol, particulièrement dans le maïs.

« Parfois, les producteurs qui ont de grandes surfaces ont tendance à trop simplifier leurs actions. Plusieurs ont une vision à court terme et négligent les solutions à moyen et long terme comme l’ajout de matières organiques », explique Gilles Tremblay.

2- Rotations plus diversifiées

En introduisant une culture de céréales dans une rotation avec le maïs et le soya, les producteurs haussent les rendements et la qualité des sols tout en réduisant les maladies et les infestations d’insectes, souligne Anne Vanasse. Ce type de rotation permet aussi d’ajouter une culture de couverture après le blé, ce qui améliore la structure et la santé du sol. On peut aussi y gagner en ajoutant une quatrième culture, ce que les producteurs laitiers savent très bien, car les meilleurs rendements viennent souvent après un retour de prairie. Les poids de conserverie et les graminées en intercalaire sont aussi de bons choix en grandes cultures.

Néanmoins, le choix des cultures est souvent fait en fonction de contraintes économiques à court terme, explique Gilles Tremblay. C’est pourquoi plusieurs agriculteurs délaissent les céréales, qui valent moins cher que le maïs et le soya. Au cours des dernières années, les problèmes de toxines vécus par les producteurs de céréales n’ont pas aidé à intégrer celles-ci dans la rotation des cultures. « C’est pourtant le choix gagnant à long terme. Les céréales permettent de travailler le terrain dans des conditions plus intéressantes. À long terme, les céréales améliorent la structure du sol, mais il faut les implanter pour une durée de cinq à sept ans minimum si on veut voir des bénéfices », note l’agronome.

3 – Semer au bon moment

Pourquoi les sols se compactent-ils? En partie parce que les agriculteurs entrent dans leurs champs au mauvais moment, estime Gilles Tremblay. « Plusieurs producteurs croient qu’ils auront de meilleurs rendements s’ils sèment un cultivar qui a une cote UTM (unités thermiques maïs) plus élevée, mais la réalité des chiffres nous dit le contraire. Ce n’est pas un bon choix. Ça ne sert à rien de vouloir pousser le système à la limite et de travailler sur des sols trop humides au printemps et à l’automne. Il est préférable de prendre des semences adaptées à la zone. Le travail est ainsi simplifié et le rendement est aussi bon, voire meilleur. Ça aide à maintenir la qualité des sols », explique Gilles Tremblay. En bref, cela ne sert à rien de semer trop tôt au printemps si les conditions ne sont pas bonnes. « C’est simple, il faut semer quand le sol est prêt », ajoute l’agronome.

4- Implanter des cultures de couverture

En plus de réduire l’érosion, les cultures de couverture améliorent la structure du sol tout en le fertilisant. Le pois fourrager en dérobée peut être une très bonne stratégie après une céréale si l’on cherche à augmenter la quantité d’azote dans le sol, propose Anne Vanasse. De plus, le trèfle intercalaire dans le blé ou le poids fourrager après le blé d’automne donne de très bons résultats. « Le pois fourrager amène un apport potentiel de 120 kg N/ha. Même s’il y a un peu de pertes en hiver, on va retrouver de 25 à 90 kg N/ha dans les sols au printemps suivant, selon les types de sols », explique l’agronome, qui note que cette quantité n’est pas négligeable.

Gilles Tremblay propose pour sa part d’incorporer le trèfle incarnat ou différentes espèces de trèfle en intercalaire dans le maïs afin de fixer l’azote dans le sol. « Il faut choisir une espèce qui n’entre pas en compétition avec la culture principale », dit-il.

5 – Tirer profit de la vie dans le sol

On a trop longtemps sous-estimé l’apport de la vie du sol, estime Gilles Tremblay. « On commence à peine à mieux comprendre le sol, mais chose certaine, le rôle des bactéries et des mycorhizes a été sous-estimé, dit-il. Si la vie n’est pas bonne dans le sol, ça va prendre plus d’intrants pour améliorer les rendements, mais à un certain point, ça va plafonner. Il faut mettre plus d’emphase sur la santé des sols pour améliorer les rendements. »

Les formulations de mycorhizes commercialisées par Premier Tech augmentent les rendements dans la plupart des cultures. Pour l’instant, les producteurs de pommes de terre et les horticulteurs peuvent justifier la dépense liée à l’application du produit, mais il n’a pas encore été démontré que ceux-ci pourraient augmenter les rendements de manière significative dans les grandes cultures, estime Gilles Tremblay. Grâce à la recherche sur le sujet, les solutions adaptées à un coût intéressant viendront probablement au cours des prochaines années.

Plus d’azote pour camoufler les problèmes?

En général, la recommandation de fertilisation azotée dans les grandes cultures est de 120 kg N/ha, soutient Gilles Tremblay. « Pourtant, la dose économique optimale est de 180 à 200 kg N/ha chez plusieurs producteurs. L’ajout supplémentaire d’azote permet de compenser les problèmes, comme la compaction, qui s’aggrave avec le temps. »

Il y a 20 ans, seulement 20 % des sols nécessitaient plus de 170 kg N/ha, alors que cette proportion est désormais de 50 % dans les productions de maïs. « C’est un glissement dangereux, car ça veut dire que le système ne fournit plus autant d’azote qu’avant », ajoute M. Tremblay.

Guillaume Roy, Collaboration spéciale.