Actualités 16 mars 2020

Onde de choc dans les érablières

L’obligation de fermer pendant au moins les deux prochaines semaines, couplée aux annulations des clients pour les prochains mois, crée une situation critique pour plusieurs érablières et leurs employées.

« On appelle tous nos clients pour annuler leurs réservations et pour rembourser leur dépôt, mais on ne sait plus quoi penser. Est-ce qu’on ferme jusqu’au 30 mars, jusqu’à Pâques ou définitivement? Et on est pris avec nos stocks [de soupe aux pois et autres] qu’on essaie d’écouler en les vendant à deux pour le prix d’un à la boutique, sauf qu’il faut payer l’hypothèque. Beaucoup d’érablières seront dans la misère avec ça. C’est le gouvernement [avec ses compensations]  qui va décider de notre sort », indique Mélanie Charbonneau, de l’Érablière Charbonneau, de Mont-Saint-Grégoire, en Montérégie.

Non seulement le chiffre d’affaires souffrira des nombreux repas annulés, mais la baisse d’achalandage risque de faire plonger les ventes de produits de l’érable issus de ses 4 000 entailles. Les employés, pour la plupart payés au salaire minium, ont appris la nouvelle de la fermeture obligatoire avec émotion. « Certains ont pleuré », raconte Mme Charbonneau.

Mélanie Charbonneau  Photo : Gracieuseté de l’Érablière Charbonneau
Mélanie Charbonneau. Photo : Gracieuseté de l’Érablière Charbonneau

Des annulations jusqu’en juin

À Rigaud, à l’ouest de Montréal, la Sucrerie de la Montagne prévoit également que la pandémie créera de lourdes pertes. L’entreprise qui exploite 3500 entailles sert des repas de cabane à l’année. « Depuis 42 ans qu’on fait les grands salons touristiques partout dans le monde pour amener les touristes à notre cabane. On a habituellement 5000 Américains qui réservent à ce temps-ci pour l’été. Sans parler des autres visiteurs de partout. Mais présentement, ils annulent tout jusqu’en juin. Le manque à gagner et les pertes seront énormes pour nous et pour toute l’industrie du tourisme », dépeint le directeur des ventes Sylvain Migneault.

À Mirabel, près de Montréal, l’acéricultrice Judith Jetté est inondée de courriels et d’appels de ses clients qui annulent les activités de dégustation des produits de l’érable qu’elle organise en entreprise. « Toutes mes activités de mars et d’avril sont foutues. Et après, ce sera l’été; les gens passeront à autre chose. C’est une bonne part de nos revenus qui tombent à l’eau », déplore-t-elle.

Annulations de commandes pour un boucher

La fermeture des cabanes à sucre entraîne des effets collatéraux à la Boucherie L et L à Mont-Saint-Grégoire, en Montérégie. « On avait plusieurs centaines de jambons cuits, du lard et du creton de préparés pour les cabanes, mais elles ont toutes mis le pied sur le frein. Certaines nous ont même appelés pour dire qu’elles abandonnaient la saison. Présentement, on essaie de gérer nos pertes. Mais ce sont des ventes de dizaines de milliers de dollars qu’on ne retrouvera pas ça, c’est certain », estime le boucher et copropriétaire Alexandre Leduc, qui venait tout juste d’apprendre l’annulation d’une commande de 120 fesses de porc au moment de l’entrevue.

Des repas de cabane… pour emporter!

La Cabane à sucre Labranche près de Montréal s’attendait à recevoir près de 30 000 personnes dans les prochaines semaines, mais la Covid-19 risque de porter ce nombre de visiteurs à zéro. Cela oblige les propriétaires à employer les grands moyens : ils offriront des repas pour emporter. « C’est une situation extrêmement critique. On a un surplus très important de produits de l’érable, de  viandes, d’alcool à l’érable. Alors on offre aux gens de commander par téléphone et de venir chercher leur commande à la cabane. On regarde pour effectuer des livraisons à des points de chute dès ce mercredi », a indiqué à La Terre le président de l’entreprise, Louis Desgroseilliers.

De leur côté, les propriétaires de l’Érablière Prince de Saint-Wenceslas au Centre-du-Québec ont mis en place un service de « cabane à sucre à domicile » en livrant ou offrant pour emporter des repas typiques.

« Notre chambre froide est pleine de nourriture alors ça permettra peut-être de l’écouler un peu », explique Fanny Prince, copropriétaire de l’entreprise.

La petite exploitation produit environ 50 barils de sirop par saison dont la moitié est d’ordinaire écoulée dans la salle à manger et les produits traditionnels de l’érable. « On attendait environ 10 000 personnes pour ce qui devait être notre meilleure saison », soupire Mme Prince.

Avec la collaboration de Pierre Saint-Yves