Économie 14 mars 2020

Investir ou ne pas investir : telle est la question

De nos jours, les investissements abondent et les sources multiples d’aide financière contribuent à la pression ressentie par plusieurs à investir dans leur entreprise. Les agronomes et conseillers en gestion sont souvent appelés à orienter leurs clients dans l’évaluation de divers projets. Investir ou non? Cette question tiraille tant les producteurs que les conseillers, particulièrement dans un contexte d’inflation de certains actifs et de hausse de l’endettement des entreprises.

Est-ce rentable d’investir?

Un investissement est considéré comme rentable s’il génère un gain permettant d’en rembourser le coût sur un nombre d’années X (délai de récupération). Il s’agit d’investir dans des actifs qui améliorent le bénéfice net annuel et l’avoir propre des propriétaires. Par exemple, l’achat de terres est, à la base, un actif productif puisqu’il permet d’aller chercher un revenu supplémentaire. Toutefois, au-delà d’un certain seuil de rentabilité, les revenus supplémentaires générés seront insuffisants pour assumer le coût d’investissement. Il faut alors se poser la question suivante : « Cet investissement, suis-je capable de le payer? »

Suis-je en mesure de le payer?

Pour être capable de payer un investissement non productif ou encore un investissement dont le coût dépasse le seuil de rentabilité, il est impératif que l’entreprise génère annuellement un bénéfice afin de pallier le manque de rentabilité. Le solde résiduel qui agit comme un coussin de sécurité servant à parer aux imprévus, à autofinancer une partie des investissements, etc.,  permet aussi de compenser le manque de rentabilité de certains investissements.

Qu’est-ce qui arrive si la réponse est non?

Si un investissement n’est pas rentable et que la situation financière de l’entreprise ne permet pas de l’assumer, il existe deux possibilités. Soit on s’enfonce dans une spirale de refinancement occasionnel de fonds de roulement, soit on compte sur la spéculation pour faire augmenter la valeur de l’actif et pouvoir encaisser un gain en capital à la revente qui compensera les pertes de trésorerie engagées depuis l’achat et l’impôt généré sur le gain en capital. Dans un cas comme dans l’autre, il faut se rappeler pourquoi on investit, car les impacts de ces décisions pourraient être majeurs et irréversibles.

Que fait-on alors?

Comme propriétaire d’entreprise agricole, vous avez plusieurs chapeaux à mettre au quotidien :

  • Le chapeau de producteur/opérateur : celui qui travaille au jour le jour, qui vit de l’organisation physique de son entreprise et qui subit le plus durement les problèmes d’efficacité et de manque de main-d’œuvre;
  • Le chapeau de propriétaire/actionnaire : celui qui sort tout naturellement lorsque l’on parle de transfert de ferme, de montants à prévoir pour la retraite, des rendements sur l’actif, etc.;
  • Le chapeau du gestionnaire/administrateur :  le directeur général de la ferme, celui qui planifie la production, la gestion de la main-d’œuvre, le suivi de la comptabilité, des budgets, du plan d’investissement, etc.


Il faut absolument porter ces trois chapeaux lorsqu’on songe à faire un investissement, car le danger est de prendre une décision seulement avec celui du producteur/opérateur. Parmi vos associés, certains mettent plus facilement le chapeau d’administrateur ou d’actionnaire et peuvent agir comme « avocat du diable ». La discussion permettra très certainement d’en arriver à la meilleure décision en fonction des objectifs de développement de votre entreprise. Sachez aussi que la planification reste le meilleur des alliés pour vous aider dans la prise de décision. En effet, en réalisant annuellement un retour sur vos objectifs d’entreprise, vous serez à même de prévoir les investissements à venir et d’éviter ainsi la réaction à des opportunités qui n’en sont peut-être pas vraiment.

Anne St-Onge, agr., GMA Saguenay-Lac-Saint-Jean


Ce texte est une présentation de VIA, Pôle d’expertise en services-conseils agricoles et est paru dans un cahier spécial de La Terre de chez nous, le 4 mars 2020.