Page conseils 9 mars 2020

Compréhension des divers modes d’action intestinaux du désoxynivalénol

Les mycotoxines, molécules produites par des moisissures, contaminent mondialement 25 % des grains destinés aux humains et aux animaux. À certaines doses, elles sont responsables entre autres de perte de poids chez les animaux d’élevage.

Des additifs à base d’antimycotoxines sont commercialisés, mais peu efficaces sur le désoxynivalénol (DON). Il s’agit de l’une des mycotoxines affectant tout particulièrement les porcs, qui a aussi des impacts sur la réponse aux infections virales telles que le syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP). Afin de valider l’impact protecteur d’un composé à base d’antimycotoxines sur le gain de poids de porcs, les chercheurs ont quantifié minutieusement l’utilisation que les animaux faisaient des nutriments qu’ils ingéraient, soit la digestibilité des nutriments chez des porcs recevant le DON.

Une équipe pluridisciplinaire des universités Laval et de Montréal a mesuré avec précision la digestibilité des nutriments chez des porcs exposés ou non au DON et soumis ou non à un additif à base d’antimycotoxines couplé à un mélange antioxydant. Les expériences menées sur six porcs castrés ont mis en lumière une action du DON différente selon la région intestinale analysée.

Absorption des nutriments et digestibilité

Lors de l’expérience, le DON a augmenté l’absorption de nutriments dans la partie iléale, mais les mesures englobant la totalité du tractus intestinal montrent que finalement, la digestibilité totale a diminué pour la matière sèche et l’énergie, ce qui corrobore les travaux d’autres équipes de recherche. Le DON est donc absorbé rapidement, mais son action principale pourrait être due à son impact sur le microbiote du colon. À l’instar des modèles de changement de poids corrélé au microbiote chez le rat et entre jumeaux humains, on peut imaginer que la modulation du microbiote par le DON influerait sur la satiété des porcs qui, en mangeant moins, perdent du poids. La plupart des additifs alimentaires ne sont pas efficaces contre le DON. Toutefois, l’utilisation du bisulfite de sodium couplé à des antioxydants (SBS-O) est capable de réduire l’impact sur le gain de poids des porcs du DON, possiblement en transformant celui-ci sous forme de DON-sulfoné qui est moins toxique.

L’équipe du Centre de recherche en infectiologie porcine et avicole a donc aussi vérifié cet impact sur la digestibilité des nutriments. L’additif SBS-O n’a pas eu d’impact sur la digestibilité totale des nutriments, même s’il réduisait leur absorption au niveau iléal. SBS-O réduisait également l’absorption du DON sans l’empêcher totalement. Fait intéressant, le SBS-O en présence du DON modifie aussi le processus de fermentation du microbiote de colon, un impact qui demeure à étudier. 

Le fonctionnement de l’intestin chez le porc

L’intestin grêle représente un long organe (en moyenne 6 m). Sa portion qui fait suite à l’estomac sert à absorber les nutriments et contient peu de microorganismes. Le colon est colonisé par une importante flore microbienne appelée microbiote. Cette région permet notamment de compléter la dégradation des aliments, de maintenir l’équilibre hydrique du porc, d’absorber des molécules fabriquées par le microbiote, d’éliminer certaines toxines et de protéger l’animal contre des agents pathogènes.

Mélina Josiane Bouchard, Marie-Pierre Létourneau-Montminy et Frédéric Guay, Université Laval
Dr Younès Chorfi, M.V., Université de Montréal
Cécile Crost, CRIPA-FRQNT