Politique 30 octobre 2019

L’agriculture pourrait perdre au change

À l’issue du résultat du 21 octobre, les experts approchés par La Terre s’entendent pour dire que l’agriculture et la ruralité ont perdu de bons porte-parole à Ottawa et que Marie-Claude Bibeau serait tout indiquée pour poursuivre le travail des six derniers mois. Ils estiment aussi que l’agriculture aura plus de mal à faire parler d’elle au sein d’un gouvernement minoritaire.

Si l’agriculture n’a pas eu la place qu’elle aurait dû avoir pendant la campagne, elle pourrait ne pas non plus retenir l’attention des parlementaires au cours du prochain mandat libéral, prévoit le professeur de l’Université Laval Guy Debailleul. « Les spécialistes s’entendent pour dire que la durée de vie d’un gouvernement minoritaire est de 18 à 22 mois. Est-ce que ça va permettre de s’occuper des grands dossiers agricoles? Je n’en suis pas convaincu », souligne-t-il.
M. Debailleul fait aussi remarquer que le Parti libéral a majoritairement été élu en milieu urbain et qu’il a perdu les provinces « très agricoles » de l’Alberta et de la Saskatchewan.

L’agriculture ne provoquera toutefois pas la chute d’un gouvernement minoritaire, estime M. Debailleul, car les différents partis n’ont pas de « divergences de vues radicales » sur les questions agricoles.

La balance du pouvoir

« Étant donné que le gouvernement libéral est minoritaire, il n’aura pas le choix de négocier soit avec le Bloc soit avec le NPD. Je pense qu’il n’aura pas le choix d’avoir une certaine ouverture à la réalité rurale », affirme l’économiste et chargé de cours à l’Université McGill, Pascal Thériault. Si la ratification de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) pourrait causer des maux de tête au premier ministre en Chambre, il n’aura pas le choix d’être ratifié, pense le professeur à l’Institut de technologie agroalimentaire Kevin Richard.

Marie-Claude Bibeau, ministre?

Redonner le ministère fédéral de l’Agriculture à Marie-Claude Bibeau serait le choix logique, selon les experts, mais il faudra qu’elle soit bien entourée, précise Pascal Thériault. « Il faudra qu’elle soit épaulée par quelqu’un de très solide en agriculture comme Jean-Claude Poissant l’était », avance l’expert. Kevin Richard est d’avis qu’un retour de la députée accélérerait, notamment, le paiement des compensations de l’ACEUM.

Porte-parole défaits

Tous les experts se désolent de la défaite de la candidate néo-démocrate Ruth Ellen Brosseau et du libéral Jean-Claude Poissant. « C’est un peu dommage parce que Mme Brosseau a été une grande défenderesse de l’agriculture. Elle a fait beaucoup d’interventions en chambre et a eu un cheminement assez impressionnant puisqu’elle a été élue presque par surprise [la première fois], mais elle s’est passionnée pour l’agriculture et ça se sentait à Ottawa », indique Guy Debailleul.

Nos experts

  • Pascal Thériault est économiste et agronome de formation. Il occupe le poste de chargé de cours et celui de directeur des relations communautaires à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement de l’Université McGill.
  • Kevin Richard est professeur en agroéconomie à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA), campus de Saint-Hyacinthe. Agroéconomiste de formation, il est aussi producteur et président de l’Association de la relève agricole de la Montérégie-Est.
  • Guy Debailleul est professeur associé à l’Université Laval au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation. Il est également cofondateur de l’Institut Jean Garon.

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