Actualités 27 août 2019

Cyberintimidation agricole

La cyberintimidation dont sont victimes certains agriculteurs de la part d’activistes animalistes a récemment été montrée du doigt par un comité fédéral, qui presse Ottawa d’agir au niveau criminel pour lutter contre ce phénomène.

Les militants végétaliens représentent « une menace de plus en plus présente » pour les éleveurs, a témoigné la psychologue Pierrette Desrosiers lors d’audiences sur la santé psychologique tenues par le Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes. Jointe par La Terre, Mme Desrosiers est convaincue que les agriculteurs sont devenus des cibles de premier choix sur les réseaux sociaux. « Je ne vois aucune autre profession, aucun autre groupe dans la société envers qui on porte des mots aussi durs », soutient-elle.

Le producteur laitier ontarien Andrew Campbell a raconté au comité avoir été traité de meurtrier sur le Web. Sa femme a même été interpellée. On lui demandait pourquoi elle reste « avec quelqu’un qui viole des animaux ». L’éleveur porcin Stewart Skinner, lui aussi établi en Ontario, a affirmé que les attaques virtuelles affectaient sa santé mentale. « Il existe une petite minorité qui attaque mon intégrité et remet en question ma moralité parce que j’élève des animaux pour en faire de la nourriture », a-t-il témoigné.

Solution judiciaire peu adaptée

Dans son rapport, le comité propose à Ottawa d’élaborer des campagnes de sensibilisation, mais aussi de « considérer dans le Code criminel les formes d’intimidation ciblant des groupes en fonction de leur métier et de leur lieu de résidence ».

Stéphane Villeneuve, professeur spécialisé en cyberintimidation à l’Université du Québec à Montréal, doute que la solution judiciaire soit adaptée aux victimes du milieu agricole. Quand une personne reçoit des menaces de mort sur le Web, elle doit d’abord porter plainte à la police. Ensuite, les autorités évaluent s’il y a matière à une poursuite criminelle. Si tel est le cas, « cela engendre des coûts et beaucoup d’énergie, alors que les agriculteurs et agricultrices ont d’autres choses à faire que de traîner quelqu’un en justice. Et pour en tirer quoi, au bout de la ligne? Des excuses? » s’interroge-t-il.

Ce dernier estime que ce processus peut être décourageant. Toutefois, il croit qu’une campagne de sensibilisation axée sur la portée criminelle de la cyberintimidation aurait un effet dissuasif. Mais selon lui, cette stratégie devrait d’abord miser sur quoi faire et qui consulter en cas de menaces sur les réseaux sociaux.

Pour sa part, Pierrette Desrosiers se questionne sur les limites de la diffamation et de la propagande haineuse envers les producteurs résultant d’une méconnaissance du milieu agricole. « C’est une aberration qu’on puisse accuser les agriculteurs comme ça, sous le sceau de la liberté d’expression. Jusqu’où peut-on dire n’importe quoi? »

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