Actualités 19 avril 2019

5 aspects à considérer avant d’irriguer

Avec les variations météorologiques extrêmes que l’on connaît ces dernières années, un système d’irrigation agit un peu comme une assurance-récolte. Mais avant de se lancer dans de grands travaux, il est essentiel de considérer un ensemble de facteurs qui va de l’évaluation du risque jusqu’aux outils de décision. Carl Boivin, agronome et chercheur à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), fournit quelques pistes de réflexion pour les producteurs de pommes de terre.

Évaluer le risque

Carl Boivin, chercheur et agronome à l’IRDA. Photos : Gracieuseté IRDA
Carl Boivin, chercheur et agronome à l’IRDA. Photos : Gracieuseté IRDA

« Le producteur doit se poser la question suivante : est-ce que son approvisionnement en eau sera pérenne dans 10, 15, 20 ans? Il ne faut pas que le manque d’eau devienne un facteur limitatif pour sa ferme », lance Carl Boivin, qui donnait une conférence sur le sujet dans le cadre du colloque sur la pomme de terre organisé en novembre dernier par le Centre de référence en agriculture et en agroalimentaire du Québec (CRAAQ).

Pour mieux évaluer la nécessité de se munir d’un système d’irrigation, le producteur analysera d’abord le degré de risque de subir un stress hydrique, qui peut varier de façon notable d’une terre à une autre. « Le producteur doit avant tout regarder le type de sol de son champ. Par définition, les sols où se cultive la pomme de terre possèdent une moins bonne capacité de rétention de l’eau. Le type de cultivar change aussi la donne, car certaines variétés sont plus exigeantes en eau. » Une attention particulière sera par ailleurs accordée à l’enracinement, qui peut être limité par la compaction du sol. « Si les racines exploitent 50 % du volume qu’elles pourraient aller chercher, un feu rouge doit s’allumer. » Après quoi, le producteur estimera les besoins en eau de son champ selon la culture et le stade de développement à l’aide de l’évapotranspiration et des données des stations météorologiques.

Déterminer « l’efficacité » de la pluie

Attention! La hauteur des précipitations reçues ne correspond pas nécessairement à la hauteur qui peut être valorisée par la culture. « Chaque sol possède une capacité de rétention limitée. Un verre de 250 ml ne sera pas plus rempli si j’y verse tout un pichet d’eau », illustre-t-il. L’agronome invite plutôt à regarder la répartition des précipitations et la capacité de rétention du sol au moment de l’apport. Par exemple, considérant qu’un plant de pommes de terre puise 5 mm d’eau par jour dans des conditions optimales et que le sol a une capacité de rétention de 15 mm, le producteur a trois jours de réserve.

Créer une zone « additionnelle » propice à l’enracinement permet de profiter davantage des apports en eau.
Créer une zone « additionnelle » propice à l’enracinement permet de profiter davantage des apports en eau.

Choisir sa source d’approvisionnement

Connaître les besoins hydriques de sa culture est une étape importante dans tout projet d’irrigation. Mais encore faut-il trouver une source d’approvisionnement suffisante. La première option consiste à puiser dans un cours d’eau. Le producteur a l’obligation d’obtenir un permis et de prendre connaissance des possibles contraintes de prélèvements. La seconde option, creuser un étang, s’avère plus onéreuse. Si l’opération ne requiert pas de permis, elle entraîne en revanche une perte de terrain cultivable et peut devenir une contrainte si un producteur occupe une région où les terres sont rares. Carl Boivin calcule que pour une saison connaissant 10 épisodes de stress hydrique qui requièrent chaque fois 20 mm d’eau, il faudrait un étang d’une capacité de 2 millions de litres pour irriguer un hectare de sable!

Tirer meilleur parti de la pluie

Une autre solution s’offre au producteur pour prévenir les épisodes de stress hydrique : adopter un système cultural différent afin de mieux utiliser la pluie. « En remplissant un sillon sur deux au renchaussage, on permet aux racines d’occuper davantage d’espace, ce qui augmente la capacité de rétention du sol. On peut ainsi profiter davantage des petits apports pluviaux », fait valoir l’agronome, qui a mené différents essais préliminaires à l’été 2018. Notons que ce système cultural ne nuit pas au réchauffement printanier et requiert des modifications « mineures » à la machinerie existante.

Pour répondre à tous les besoins en eau d’un producteur de pommes de terre, il faudrait de très grands étangs. L’espace devient rapidement une contrainte.
Pour répondre à tous les besoins en eau d’un producteur de pommes de terre, il faudrait de très grands étangs. L’espace devient rapidement une contrainte.

Savoir s’outiller

L’utilisation d’un système d’irrigation ne saurait être efficace sans des outils de décision. Idéalement, le producteur aura avec lui un tensiomètre, qui déterminera le moment adéquat pour déclencher l’irrigation, ainsi qu’un bilan hydrique. « Le bilan hydrique aide à anticiper les journées où il faudra irriguer, question de ne pas le faire inutilement et de provoquer un lessivage des nitrates. Il servira aussi à déterminer une consigne de déclenchement, à établir la durée de l’irrigation et à mesurer l’efficacité de la pluie et de l’irrigation. »

Pour de plus amples informations pour le sujet, il est possible de commander le guide technique Gestion raisonnée de l’irrigation rédigé par le CRAAQ et l’IRDA. L’ouvrage est disponible en format papier ou numérique.

David Riendeau, journaliste.