Forêts 13 mars 2019

Revue des marchés des produits du bois

Au début de 2018, les prix pour le bois d’œuvre et les panneaux structuraux ont atteint une vigueur spectaculaire qui s’est poursuivie jusqu’en juin. Le déclin observé à partir de cette date a été tout aussi imposant, ramenant les prix à un plus faible niveau à la fin de l’année et au début de 2019.

Depuis octobre, les prix ont frôlé la limite des opérations rentables dans les scieries les moins performantes. On a observé récemment des fermetures en Colombie-Britannique, qui n’ont toutefois pas été dictées par la baisse des prix autant que par la disponibilité de la ressource. 

On anticipe que la moyenne des prix l’an prochain sera inférieure à celle de cette année. Qu’à cela ne tienne, ces prix demeurent relativement élevés selon les standards historiques, avec des prévisions pour l’indice composite Random Lengths avoisinant en moyenne les 450 $ US/MPMP en 2019. Dans les prochaines lignes, on explorera les motifs susceptibles de soutenir le marché à ce niveau.

La demande pour le bois d’œuvre

Lentement, mais sûrement, la demande en bois d’œuvre pour la construction résidentielle aux États-Unis continue de progresser. À un rythme de près de 3 % par année, c’est l’équivalent de 180 000 unités résidentielles de plus qui sont prévues entre juin 2018 et juin 2019. 

Après une croissance de plusieurs années, il y a quand même un consensus sur une baisse éventuelle de l’activité en construction. Ce qui fait moins consensus, c’est l’imminence de ce ralentissement. Au pire, on l’attend dès 2019, et au mieux, on le repousse à 2022. Dans les deux cas, la croissance reste en deçà du plein potentiel de construction. Même si elles sont plus stables, les dépenses en rénovation sont également en légère hausse durant cette période. 

Au Canada, on peut dire du marché qu’il demeure robuste. La croissance économique n’a peut-être plus la force qu’elle a montrée en 2016 et au début de 2017, mais elle démontre des signes positifs et devrait demeurer près de la barre des 2 % cette année et l’an prochain. En somme, la consommation de bois d’œuvre croît en Amérique du Nord, mais cette croissance proviendra plutôt des États-Unis que du Canada à court et moyen terme. 

Néanmoins, la plus récente crise financière a aussi rendu l’accès au crédit plus difficile pour les premiers acheteurs, qui jouent pourtant un rôle crucial dans le marché de la construction résidentielle. Certains économistes sont prompts à démontrer que les conditions de crédit pourraient être assouplies sans toutefois compromettre le marché. Par surcroît, la crise financière a eu raison de nombreux petits constructeurs aux États-Unis. Dans certains marchés, on observe que l’offre en maisons d’entrée de gamme continue d’en souffrir.
L’environnement réglementaire (demandes de permis, respect des normes) est aussi devenu un enjeu de taille. En proportion des coûts de construction, les coûts réservés au respect des normes et des règlements ont augmenté aux États-Unis au fil des ans, ce qui affecte l’accès à la  propriété, en particulier pour les premiers acheteurs.

L’offre de bois d’œuvre

Du côté de l’offre, on observe toujours bon nombre de contraintes qui limitent la capacité des fournisseurs de matériaux (incluant le bois d’œuvre) et des constructeurs à répondre adéquatement à la demande. La question de la main-d’œuvre qui fait défaut aux constructeurs n’est peut-être plus nouvelle, mais elle n’a jamais été aussi aiguë. Selon la National Association of Home Builders (NAHB), qui regroupe les constructeurs américains, 82 % de ceux-ci rapportent une pénurie de main-d’œuvre. De tous les corps de métiers nécessaires à la construction, c’est celui des charpentiers qui présente le plus grand manque à combler. En dépit de la reprise, le niveau d’emploi en construction aux États-Unis est de 25 % inférieur à ce qu’il était en 2006. 

D’emblée, le bois d’œuvre ne fait pas partie du nouvel accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) qui vient d’être paraphé. En apparence, les négociations sur le bois d’œuvre ont été mises en veilleuse au cours des six derniers mois en raison de cette négociation. La meilleure nouvelle de cette entente pour les producteurs de sciage est probablement le maintien du système d’arbitrage des litiges commerciaux. Étant donné que les droits compensatoires sur l’acier et sur l’aluminium n’ont pas été retirés avec la nouvelle entente, il serait prématuré de s’enthousiasmer. 

C’est donc dire que rien n’est réglé pour les producteurs de sciage québécois, toujours soumis à un mécanisme de taxes transitoire dans l’attente d’une nouvelle entente. Le règlement de l’ACEUM met néanmoins la table à la réouverture des négociations sur le bois d’œuvre. En pratique, les scieurs du Québec misent sur une entente qui serait négociée sur la base de leur part du marché américain. Au cours des six derniers mois, les exportations du Québec vers les États-Unis ont en effet explosé, souvent au détriment du marché domestique, dans l’espoir d’établir des niveaux de vente pouvant servir d’étalon dans une entente future. De façon sporadique, on a même observé des carences de disponibilité pour certaines classes de bois d’œuvre au Québec en raison de cette dynamique, induite par le conflit commercial.

On pourrait penser que la bonne tenue de la demande, combinée au déclin de la possibilité forestière en Colombie-Britannique, devrait permettre aux scieries du Québec d’accroître à la fois leur production et leurs exportations. En réalité, ce n’est pas si simple étant donné que les dernières années ont vu l’écart se combler entre la possibilité forestière et la récolte au Québec, en particulier dans les forêts publiques. La ressource de qualité se raréfie. 

Si les conditions actuelles de marché se maintiennent, les producteurs privés du Québec se verront vraisemblablement sollicités davantage pour la ressource en bois qualité sciage. Et c’est bien là la question. Est-ce que les conditions actuelles de marché, parmi les meilleures depuis les années 2000, peuvent être soutenues encore longtemps? Pour le moment, les risques de récession à court terme sont moins élevés que les risques d’une croissance modeste. Dans ce contexte toutefois, le plus grand risque qui pèse sur l’économie des produits forestiers est l’évolution de la politique commerciale menée par le gouvernement américain.

Et les panneaux?

Dans le secteur des panneaux de particules et de MDF, le marché apparaît moins mouvementé. Les vecteurs qui soutiennent la demande pour le bois d’œuvre influencent tout aussi positivement la consommation de panneaux. Toutefois, ce qui retient l’attention pour ces produits est l’expansion soutenue des capacités de production à l’échelle nord-américaine. Au final, les prix apparaîtront stables en 2018 et pourraient reculer légèrement en 2019. Pour les panneaux structuraux, la dynamique est semblable en ce qui concerne la demande, bien que les prix pourraient grimper durant le premier semestre de 2019.  

François Robichaud, Forest Economic Advisors