Économie 13 février 2019

Les releveuses d’étables à la rescousse

QUÉBEC — La santé financière de près de 20 % des fermes laitières du Québec se dégrade depuis cinq ans. L’étau se resserre sur elles, mais des conseillers en gestion sillonnent le Québec pour les aider à se relever. La Terre a rencontré quatre femmes, des spécialistes reconnues dans le milieu, qu’on appelle « les releveuses d’étables ».

Ces femmes impressionnent par leurs connaissances très poussées des détails associés à la gestion d’une exploitation laitière. Leurs analyses sont précises, concrètes et parfois dures à entendre, mais réellement susceptibles d’améliorer la santé financière des entreprises qu’elles accompagnent. 

« On fait tout ce qu’on peut avec passion et dévotion. On sait qu’une ferme, ce n’est pas juste un job parmi d’autres; c’est une vie et un patrimoine familial. Chaque ferme qu’on réussit à préserver, c’est aussi de la richesse qu’on laisse dans les régions », témoigne Marie-Claude Bourgault, agronome chez Agrigo Conseils à Québec. 

Les femmes se démarquent dans le domaine des services-conseils en gestion, souligne Raymond Racicot, un conseiller senior qui a été directeur général du Groupe conseil agricole de l’Estrie. « Elles sont très compétentes et ont une approche humaine plus naturelle que les hommes. L’approche est très importante dans ce métier », assure-t-il. Signe des temps, M. Racicot est maintenant le seul homme dans son service. Les autres conseillers qui ont été embauchés sont des femmes.

Marie-Claude Bourgault, Québec
Marie-Claude Bourgault, Québec

L’étau se resserre

Au Lac-Saint-Jean, Valérie Grenier fait partie de ces releveuses d’étables. Elle fait état d’un nombre croissant de fermes laitières qui dégagent un revenu insuffisant pour couvrir les dépenses et le service de la dette. « On en voit plusieurs qui empruntent non seulement pour investir, mais pour payer leurs fournisseurs. Ces gens sont habitués à un certain rythme de dépenses. La hausse du coût des intrants et des taux d’intérêt leur fait mal. Ils pellettent par en avant, mais l’étau se resserre. Ceux qui n’amélioreront pas leur gestion devront penser fermer ou vendre », assure Mme Grenier, du Groupe multiconseil agricole Saguenay–Lac-Saint-Jean. 

De gauche à droite : Caroline Collard (Chaudières-Appalaches), Susan Fleury (Québec) et Valérie Grenier (Lac-St-Jean)
De gauche à droite : Caroline Collard (Chaudières-Appalaches), Susan Fleury (Québec) et Valérie Grenier (Lac-St-Jean)

Une gestion déficiente

Le nombre de fermes laitières qui éprouvent des problèmes de rentabilité chronique augmente graduellement, souligne René Roy. À la demande de La Terre, cet agroéconomiste de Valacta a compilé des statistiques intéressantes tirées d’un échantillon de 419 fermes laitières provenant de la base de données des Groupes conseils agricoles du Québec. 

Ainsi, le nombre d’exploitations qui ont été déficitaires au moins quatre années sur cinq a bondi de 50 %, passant de 13 % des entreprises de l’échantillon pour la période de 2009 à 2013 à 20 % pour celle de 2013 à 2017. La baisse du prix du lait observée depuis 2015 a contribué en partie à cette situation, mais n’explique pas tout, car durant cette même période de 2013 à 2017, on note 12 % plus d’entreprises qui ont réussi à améliorer leur sort en enregistrant un solde résiduel positif au moins quatre années sur cinq. 

Bref, sous l’influence de la même conjoncture, des exploitations ont glissé vers le bas alors que d’autres ont accru leur rentabilité. « Il y a beaucoup de facteurs, mais globalement, c’est une question de gestion », résume M. Roy.

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