Ma famille agricole 17 février 2019

Tester la ville avant de revenir aux sources

SAINT-CHRISTOPHE-D’ARTHABASKA — « J’œuvrais dans le milieu hospitalier et j’ai réalisé que je ne voulais vraiment pas me retrouver derrière un bureau toute ma vie », raconte Manon Therrien. Un matin, alors qu’elle montait travailler à Québec, elle a regardé les vaches dans un champ et a demandé à son conjoint qui l’accompagnait : « Qu’est-ce que tu dirais si je me lançais en agriculture? »

Ce projet a surpris le père de Manon, Marcellin Therrien. Ne voyant aucune relève possible pour la ferme, il avait dû se résoudre à liquider son troupeau d’Ayrshire en 1999, mais avait tout de même décidé de garder les terres et les bâtiments.

« Traire les vaches n’a jamais été ma passion, explique Manon Therrien. Mon père était spécialisé dans la génétique et ça ne m’intéressait pas. » Elle l’a donc encouragé à vendre son cheptel, ne sachant pas vraiment où la vie allait la mener.

Quelques semaines avant l’encan, Manon a annoncé à son père son intention de reprendre la ferme, mais à sa façon. Pour ce faire, elle a décidé de commencer par retourner aux études en gestion agricole. Marcellin admet que cette tournure des événements lui « a donné un coup ». Il paniquait à l’idée de voir sa fille se lancer dans le domaine. 

Manon Therrien et Maxime Bernier vendent leur viande à la boutique située près de la ferme, dans des boucheries de la région et au marché public de Victoriaville.
Manon Therrien et Maxime Bernier vendent leur viande à la boutique située près de la ferme, dans des boucheries de la région et au marché public de Victoriaville.

Tracer son propre chemin

Alors qu’elle étudiait à Lévis, Manon a découvert l’élevage ovin. Voyant qu’elle pouvait manipuler les bêtes facilement, elle a tenté sa chance à la fin de ses études. Pour tâter le terrain, Manon et son conjoint Maxime Bernier ont aménagé une partie de l’étable pour accueillir 50 brebis. « Maxime et moi avons aimé ça. On a grossi le troupeau pour finir par détenir 500 brebis », raconte-t-elle.

Manon sourit lorsqu’elle se remémore le cheminement de Maxime qui n’aimait pas voir du sang quand une taure vêlait, à l’époque. Son conjoint, qui se décrit comme « un petit gars de la ville », s’est finalement bien intégré. Si bien que c’est lui qui travaille à la ferme à temps plein. L’emploi à temps partiel dans le domaine de la santé qu’occupe Manon permet à la famille de joindre les deux bouts.

Pour faciliter ses tâches, le couple prévoit mécaniser davantage l’entreprise dans les prochaines années. Avec le recul, Marcellin est heureux de voir sa fille, issue de la quatrième génération d’agriculteurs chez les Therrien, œuvrer dans le secteur et faire preuve de persévérance. « C’est une grande fierté pour moi. D’ailleurs, j’aime bien l’aider en travaillant à l’étable », avoue ce père qui se verrait mal vivre en ville.

Désenchantée

Même si elle apprécie son mode de vie, Manon Therrien souligne qu’elle est déçue par l’agriculture. Depuis qu’elle travaille dans le milieu, la productrice trouve que les conditions ne se sont pas beaucoup améliorées. « On fait des heures de fou, et malgré tout, on n’arrive pas à vivre de notre production », explique-t-elle. La mère de famille n’incitera sûrement pas ses deux enfants à se lancer dans ce domaine. 

« On parle toujours de performance et de productivité, mais la classe politique ne pousse pas de notre côté. L’image de l’agriculture a mangé une claque depuis quelques années, malgré une certaine reconnaissance des consommateurs. On va frapper un mur à un moment donné », s’attriste Manon Therrien.

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