Alimentation 31 janvier 2019

Les éleveurs, grands perdants du nouveau Guide alimentaire

Plusieurs associations d’éleveurs ne digèrent pas les recommandations du nouveau Guide alimentaire canadien. L’ouvrage de référence fait disparaître les catégories Lait et substituts de même que Viandes et substituts et relègue ces denrées derrière les protéines végétales.

Le Guide alimentaire en vigueur depuis 2007 recommandait de consommer de deux à quatre portions de lait et substituts de même que d’une à trois portions de viandes et substituts chaque jour. Or, la toute nouvelle version du Guide abolit la notion de portion quotidienne recommandée, en plus de fusionner les produits laitiers et la viande avec les aliments d’origine végétale.

Au-delà des protéines

Directement touchés par le changement de paradigme du Guide, Les Producteurs laitiers du Canada (PLC) soulignent que les avantages nutritionnels du lait et de ses produits dérivés vont bien au-delà de leur teneur en protéines. Les produits laitiers contiennent généralement une plus grande quantité de calcium – et sous une forme plus facilement absorbée par l’organisme – que les végétaux, déclarent les PLC. Ils s’interrogent également sur la pertinence d’éviter les produits laitiers qui contiennent plus de gras, en dépit des preuves récentes et émergentes voulant que ces aliments ne soient pas associés à des effets nocifs sur la santé et pourraient même procurer des avantages.

« Pas créées égales » 

« Toutes les protéines n’ont pas été créées égales », estime le Conseil des viandes du Canada. Les œufs fournissent les neuf acides aminés essentiels, contrairement aux protéines végétales, ajoute la Fédération des producteurs d’œufs du Québec.

Le fait de combiner tous les aliments protéinés, peu importe leur origine, dans un même groupe alimentaire, ne fait pas l’affaire des Producteurs de bovins du Québec. Leur président, Claude Viel, n’anticipe toutefois pas de conséquences dramatiques pour la consommation de bœuf. « Ma lecture du Guide, c’est qu’il faut manger diversifié. Je demeure persuadé que la viande rouge, qui n’est pas surtransformée, reste un très bon aliment. »

De son côté, le Conseil canadien du porc craint que les Canadiens interprètent le nouveau Guide comme une recommandation de réduire la consommation de viande au profit des protéines d’origine végétale. Une crainte partagée par l’Association canadienne des éleveurs de bovins. Une diminution de la consommation de viande rouge pourrait avoir de très graves répercussions sur certains groupes de la population qui ne consomment pas suffisamment d’éléments nutritifs importants comme le fer, le zinc et la vitamine B12, soulignent les deux associations. Un argument repris par la nutritionniste Louise Lambert-Lagacé. 

Pour leur part, les Éleveurs de porcs du Québec saluent le fait que le Guide intègre toujours la viande rouge maigre à une alimentation équilibrée. 

À quoi sert le Guide alimentaire?

Le Guide est principalement utilisé par les professionnels de la santé, comme les nutritionnistes et les médecins. Il sert également de référence pour l’élaboration des repas dans les institutions, tels que les écoles, les garderies, les hôpitaux, les centres d’hébergement et les prisons. Toutefois, le Guide ne semble pas avoir autant de portée auprès de la population en général. « C’est parfois à notre détriment, mais le consommateur moyen ne semble pas vraiment influencé par le Guide », a expliqué la nutritionniste Louise Lambert-Lagacé lors d’une conférence devant les membres de l’Association des communicateurs et rédacteurs de l’agroalimentaire.

Ce qui change

  • Les quantités sont maintenant déterminées en proportions plutôt qu’en portions;
  • Les aliments protéinés rassemblent les produits laitiers ainsi que les viandes et substituts;
  • Les Canadiens sont invités à consommer du lait et du yogourt, mais faibles en gras. Même principe pour les fromages, qui devraient aussi être faibles en sodium;
  • Les protéines d’origine végétale devraient être consommées plus souvent que les protéines animales. On recommande aussi de choisir des viandes maigres;
  • Les aliments contenant des lipides insaturés (huiles végétales, huiles de poisson) devraient être privilégiés plutôt que ceux qui renferment des gras saturés (huile de coco, beurre, gras de bœuf);
  • L’eau devrait être la boisson de premier choix. Les jus de fruits à 100 % ne devraient pas être consommés sur une base régulière. On propose toutefois des options non sucrées telles que le lait plus faible en gras, les boissons végétales, le café et le thé;
  • La consommation des aliments hautement transformés devrait être limitée.

Les perdants

« Les Producteurs laitiers du Canada demeurent préoccupés par le fait que la mise à jour du Guide alimentaire ne reflète pas les données scientifiques les plus récentes, toujours plus nombreuses à démontrer que les produits laitiers à teneur variée en matières grasses peuvent faire partie d’une alimentation saine. » – Les Producteurs laitiers du Canada

« Le lait, c’est plus que des protéines. » – Association des transformateurs laitiers du Canada

« Plutôt que de se fendre les cheveux en quatre sur les protéines à choisir, les Canadiens ont besoin de se concentrer sur la modération et la diminution de la consommation d’aliments qui ne font pas partie du Guide, comme ceux contenant des calories vides [ex. : croustilles, viennoiseries et friandises]. » – Mary Ann Binnie, experte en nutrition pour le Conseil des viandes du Canada

« Les protéines végétales ne sont pas équivalentes aux protéines animales, car elles sont composées d’un ensemble unique d’éléments nutritifs. » – Conseil canadien du porc

Les gagnants

« La publication du Guide alimentaire canadien confirme encore une fois le rôle essentiel des œufs dans l’alimentation en tant que source polyvalente et abordable de protéines. » – Les Producteurs d’œufs du Canada

« On savait qu’on était dans le meilleur créneau, [alors] ce n’est pas une surprise pour nous. Les producteurs maraîchers sont prêts à répondre à la demande. Mais [augmenter sa consommation de fruits et légumes], ça ne se fera pas du jour au lendemain. On s’attend aussi à ce que les gouvernements livrent à la hauteur de ce qui est demandé. Quand on parle d’appui à une filière et de programmes, il faut que le milieu maraîcher ait sa part en fonction des recommandations. » – Jocelyn St-Denis, Association des producteurs maraîchers du Québec

« On espérait que le Guide donne vraiment une place plus importante aux fruits et légumes. Plus on va en parler, plus il va s’en consommer d’une façon plus importante. Aussi, ça va aider notre secteur à atteindre l’objectif de doubler la production d’ici 2025. » – André Mousseau, Producteurs en serre du Québec

« […] cette version du Guide met de l’avant que toutes les façons sont bonnes pour augmenter sa consommation de fruits et légumes, qu’ils soient frais, en conserve ou surgelés. Nos membres sont prêts à répondre à la demande. Allez-y, remplissez votre panier! » – Sophie Perreault, Association québécoise de la distribution de fruits et légumes

« […] s’il y a de nouveaux marchés, [nous] seront prêts à répondre à la demande. Pour les grains de niche [comme, l’avoine, l’épeautre et le quinoa], on a l’impression qu’il y aurait une opportunité et qu’il pourrait y avoir des impacts à court terme. » – Benoit Legault, Producteurs de grains du Québec 

« Encourager un virage vers une alimentation qui intègre plus d’aliments d’origine végétale, bénéfiques à la fois pour la santé et la planète, est une occasion en or pour l’agriculture durable. Plus les Canadiens penseront à leur alimentation et à la provenance de leurs aliments, plus les agriculteurs seront gagnants. » – Diana Bronson,  Réseau pour une alimentation durable

« Ces recommandations vont non seulement améliorer la santé des Canadiens, mais aussi atténuer les effets néfastes de l’élevage industriel sur notre environnement et sur les animaux. » – Courtney Dobbin, Mercy For Animals au Canada