Actualités 4 janvier 2019

Recours inégal au taux agricole distinct

Un climat de tension règne dans plusieurs municipalités du Québec en raison du nouveau rôle d’évaluation qui a fait croître considérablement la valeur des terres agricoles. Alors que certaines villes, comme Laval et Saint-Césaire, ont consenti à accorder un taux distinct aux producteurs pour leur compte de taxes de 2019, d’autres ont préféré s’abstenir, évoquant la problématique « provinciale ».

Au Québec en 2017, 57 municipalités sur 1108, dont la moitié en Montérégie, se sont dotées d’un taux agricole distinct afin d’équilibrer la charge fiscale rattachée à l’explosion de la valeur des terres. La Ville de Laval vient de s’ajouter à cette liste. En permettant à ses agriculteurs de payer 84 % du taux résidentiel, l’administration municipale estime leur octroyer un allégement fiscal de 166 000 $.

Le cas de Saint-Césaire

Dix ans après que le taux agricole distinct eut disparu du paysage de Saint-Césaire, voilà que le conseil municipal le réinstaure dans son budget 2019. Les producteurs paieront 0,12 $ de moins que ce qui est facturé dans le secteur résidentiel, c’est-à-dire 0,6310 $ du 100 $ d’évaluation. Au départ, la baisse proposée par les élus se limitait à 0,05 $. « On s’est entendus, mais ce n’est pas à la hauteur de ce que les agriculteurs auraient aimé, mentionne le maire Guy Benjamin. C’est sûr que ça va leur laisser un goût amer. »

Son prédécesseur Yvon Boucher, qui est producteur laitier, y voit un pas dans la bonne direction, mais dénonce néanmoins la formule actuelle de financement municipal. « Le budget du [ministère de l’Agriculture], ce n’est pas fait pour subventionner les municipalités », affirme-t-il.

Le maire Guy Benjamin reconnaît que les municipalités québécoises sont habituées à « recevoir un certain revenu des terres agricoles ». Par contre, il convient qu’une refonte du système actuel est nécessaire. « On ne pourra pas toujours travailler en se tirant les cheveux! » constate-t-il.

En attente à Saint-Isidore

À Saint-Isidore, le conseil municipal a envisagé d’imposer un taux agricole distinct, mais a finalement choisi d’attendre de voir si le ministère de l’Agriculture consentira à retirer le plafond de 5 % d’augmentation du Programme de crédit de taxes foncières agricoles. « Nos producteurs nourrissent le Québec en entier. Est-ce que c’est vraiment juste aux 2 800 habitants de Saint-Isidore de subventionner la hausse des taxes foncières agricoles? » demande le directeur général Sébastien Carignan-Cervera. Si rien ne change, sa municipalité pourrait appliquer un taux distinct en 2020, sauf qu’elle devra alors se tourner vers Québec pour obtenir une aide financière.

La Ville de Coteau-du-Lac, de son côté, vient d’annoncer la mise en place d’un fonds de 25 000 $ afin de stimuler entre autres la relève agricole et l’achat local. La mairesse Andrée Brosseau justifie son refus d’instaurer un taux agricole distinct par le fait qu’il s’agit d’une « problématique provinciale ». « Si on [applique un taux distinct] pour les producteurs et que dans trois ans, ce sont les commerces qui ont une hausse trop élevée, ça crée un précédent et on ne voulait pas aller là », affirme-t-elle, invitant les agriculteurs à signaler leur mécontentement au gouvernement par la contestation de leur rôle d’évaluation.

Un outil de chantage?

D’une année à l’autre, rien n’oblige les municipalités à conserver le taux distinct agricole qu’elles ont mis en place. La Fédération de l’UPA d’Outaouais-Laurentides se plaint que celui-ci puisse même devenir un outil de chantage. « Quand il arrive des demandes de dézonage ou quoi que ce soit, il y a des municipalités qui menacent d’enlever le taux distinct. Ça nous est arrivé à l’occasion », déplore le président Richard Maheu. La Fédération québécoise des municipalités a préféré ne pas commenter le sujet étant donné qu’elle juge que le taux agricole distinct relève de la régie interne de ses membres. 

Hausses extrêmes des évaluations

243 % à Massueville (Montérégie), 150 % à Saint-Gérard-Majella (Montérégie), 121 % à Saint-Isidore (Montérégie), 97 % à L’Isle-aux-Alumettes (Outaouais), 85 % à Saint-Césaire (Montérégie), 74 % à Laval et 52 % à Coteau-du-Lac (Montérégie). Ce sont là les plus hauts taux de croissance des immeubles agricoles dans la province, selon une compilation réalisée par l’Union des producteurs agricoles.