Actualités 30 novembre 2018

Agriculture de précision : quoi faire de ses données

Des cartes de rendement pour chaque année de production, des images satellitaires, des rapports d’échantillonnage… Avec la quantité de données à traiter, pas surprenant qu’un producteur de grains puisse rapidement être dépassé. Quoi faire avec tout ça? Deux experts y vont de leurs conseils sur la question.

À leur arrivée ici il y a plus de 400 ans, les administrateurs de la Nouvelle-France ont séparé les terres selon le système seigneurial français. Les concessions ont donc été segmentées de façon perpendiculaire aux cours d’eau.

Le problème, c’est que la composition du sol varie considérablement au fur et à mesure qu’on s’approche d’une rivière ou d’un ruisseau. Résultat : la production d’un champ n’a rien d’uniforme. Pour tirer le maximum de ses cultures, un producteur devra donc gérer certaines parcelles différemment les unes des autres. C’est justement là qu’intervient l’agriculture de précision.

« L’objectif de l’agriculture de précision, ce n’est pas d’uniformiser les terres, mais plutôt de tirer le maximum de rendement qu’une terre est capable de donner », explique Stéphane Gagnon, expert en agriculture de précision chez Synagri. « L’argile restera toujours de l’argile, et le sable restera toujours du sable, ajoute-t-il, mais chacun a un potentiel de rendement qui lui est propre. »

Stéphane Gagnon, expert en agriculture de précision chez Synagri, explique comment la combinaison de différentes données permet de tirer le plein potentiel d’un champ.
Stéphane Gagnon, expert en agriculture de précision chez Synagri, explique comment la combinaison de différentes données permet de tirer le plein potentiel d’un champ.

Empiler les données

Pour arriver à maximiser le potentiel de ses terres, le producteur devra accumuler des données de rendement sur plusieurs années, en plus d’échantillonner sa terre et d’emmagasiner des relevés satellitaires.

Cet ensemble de données servira tôt ou tard, selon Guillaume Desjardins, expert en géomatique et propriétaire de Géomatique agricole, une entreprise qui aide les producteurs à gérer leurs données numériques.

« Le producteur ne sait pas toujours quoi faire de tout ça, dit-il, mais l’important, c’est de tout conserver sur un disque dur ou dans le nuage [cloud]. Au pire, ces données serviront toujours dans trois ou quatre ans pour mettre en relation différents types de données. »

En attendant, le producteur peut déjà se mettre au travail. Première étape : effectuer les travaux de nivelage et de drainage dans ses champs en se servant notamment de relevés topographiques. « C’est un incontournable avant d’effectuer d’autres corrections grâce aux données, souligne M. Desjardins. Tu brasses tellement de terre durant ces étapes qu’il serait inutile de procéder autrement. »

C’est seulement ensuite qu’on échantillonnera le sol, à raison d’un prélèvement par acre ou par hectare. « L’important, c’est de géolocaliser chaque échantillon, ajoute l’expert. Avec ça, tu obtiens une foule d’informations. » L’échantillonnage de sol permettra, dans un premier temps, de corriger le pH des parcelles avec de la chaux. « Dans bien des cas, le pH des terres agricoles est trop bas parce que l’agriculture acidifie le sol, explique Stéphane Gagnon. C’est un facteur important de limitation de la productivité. »

En plus du pH, l’analyse des échantillons fournira également un aperçu de la répartition de différents éléments chimiques dans la terre. Aidé de son agronome, un producteur déterminera les travaux de correction à apporter à ses champs. Le processus s’étale sur plusieurs années, indique M. Gagnon.

« On va souvent corriger le niveau de potassium et de phosphore d’abord, précise-t-il. C’est seulement ensuite qu’on cherchera à corriger les éléments mineurs comme le zinc et le bore, par exemple. »

Les échantillons de terre prélevés au champ sont ensuite analysés en laboratoire.
Les échantillons de terre prélevés au champ sont ensuite analysés en laboratoire.

Superposer les données

Le travail ne se termine pas là. D’autres données s’ajoutent au lot, l’objectif étant d’obtenir un aperçu de ce qui se trame dans les champs à différents stades de la production.

Les cartes satellitaires, par exemple, indiqueront la vigueur végétative, c’est-à-dire le niveau de photosynthèse d’une culture. L’information est particulièrement cruciale pour les producteurs qui effectuent des tests de fertilisation. « Ce sont des données béton, souligne le propriétaire de Géomatique agricole. Elles permettent de savoir, par exemple, si une intervention dans le champ a été payante. »

À ces données s’ajoutent finalement les données de rendement. Pour s’assurer que celles-ci soient fiables, M. Desjardins recommande de calibrer les batteuses pour chaque type de culture. « L’opération peut prendre du temps, mais en emmagasinant ce type de données sur plusieurs années, on pourra déceler des tendances dans les champs. »

Chaque saison amène de la variabilité, ajoute Stéphane Gagnon. « En ayant plusieurs cartes de rendements d’un même champ, on peut déceler les zones problématiques et mieux orienter la recherche », dit-il.

C’est pourquoi les outils informatiques de Synagri vont d’abord superposer les cartes de rendement pour produire une carte normalisée. Celle-ci sera ensuite comparée aux données d’échantillonnage afin d’identifier le ou les facteurs derrière un manque de productivité.

« Le but, c’est d’obtenir un diagnostic et d’orienter le producteur vers les meilleures solutions pour qu’il atteigne éventuellement les meilleurs rendements possible dans ses champs », explique l’expert en agriculture de précision.

Martin Primeau, collaboration spéciale