Actualités 1 décembre 2018

Le ver-gris occidental du haricot : un ennemi du maïs placé sous surveillance

On entendra beaucoup parler du ver-gris occidental du haricot (VGOH) dans les prochaines années. C’est un ravageur récent au Canada et il s’attaque surtout au maïs sous toutes ses formes (grain, fourrager, sucré). Surveillé par le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) Grandes cultures depuis 2009 au Québec, cet insecte cause des dommages d’importance économique depuis 2016.

Biologie de l’insecte

Transportés par les vents, les adultes (papillons) proviennent de foyers d’infestation de l’Ontario et des États-Unis. Il est possible qu’ils puissent passer l’hiver au Québec, mais cela n’a pas encore pu être complètement validé. La date d’arrivée des adultes au Québec est déterminée grâce aux données de collectes effectuées à l’aide de pièges à phéromones, qui permettent de capturer des mâles. En général, les premiers papillons arrivent début juillet et le pic de piégeage a lieu fin juillet-début août. Lors des comptages hebdomadaires, on peut dénombrer plusieurs dizaines, voire des centaines de papillons dans les pièges. Par exemple, en 2018, dans la région de Saint-Anicet, en Montérégie-Ouest, près de 700 papillons ont été piégés sur un site en une seule semaine. 

Si le papillon n’est pas dommageable pour la plante, sa descendance (chenilles) peut faire de nombreux dégâts. Les papillons femelles repèrent des plants de maïs qui ont atteint le stade croix ou sont sur le point de l’atteindre. Ces plants sont au stade de croissance idéal pour la ponte. Lorsqu’on observe des pics d’abondance de mâles dans les pièges et que les champs sont toujours à un stade attractif, il y a un fort risque d’infestation. 

Chaque femelle pond des masses d’œufs sur la face supérieure des trois ou quatre feuilles les plus hautes sur les plants de maïs. Chaque masse contient de 2 à 350 œufs. D’abord de couleur blanche au moment de la ponte, ceux-ci vont rapidement virer au violet au cours de l’incubation. Plus ils sont foncés, plus l’éclosion est imminente. Cette dernière se produit cinq à sept jours après la ponte et de jeunes larves (chenilles) vont très vite se déplacer sur les plants de maïs, à la recherche des épis dans lesquels elles vont entrer pour poursuivre et compléter leur cycle de développement larvaire. Au cours de la recherche des épis, les petites chenilles se nourrissent de pollen fraîchement tombé sur les feuilles ou directement sur les croix.

Une fois au niveau des épis, les larves s’alimentent sur les soies puis rentrent à l’intérieur. Plusieurs larves peuvent coloniser un même épi. Il est difficile de savoir si un épi est infesté, car durant son développement, la larve endommage essentiellement les grains. Quand elles sont matures, les larves vont percer un trou dans les spathes (« enveloppe » qui entoure et protège l’épi) pour se laisser tomber au sol où elles se transforment en prépupes, un stade intermédiaire avant la formation de la chrysalide. Si le VGOH résiste à l’hiver, le cycle de développement reprendra au printemps et un nouveau papillon émergera de la chrysalide.

Crédit photo : — Julien Saguez (CÉROM)
Crédit photo : — Julien Saguez (CÉROM)

Pourquoi cet insecte est-il placé sous surveillance?

Depuis la première mention au Québec en 2009, les populations de VGOH et les dommages qu’ils causent au maïs augmentent. C’est en 2016 que les premiers dommages d’importance économique ont été observés, notamment en Montérégie-Ouest et en Outaouais. Depuis 2017, des dommages ont aussi été rapportés dans les autres régions productrices de maïs. Les pertes économiques causées par le VGOH peuvent être associées aux grains mangés par les larves. De plus, la présence de larves et de dommages à l’intérieur des épis favorise le développement de moisissures. Ces dernières peuvent conduire à une perte de qualité des grains et à la production de mycotoxines menant parfois au déclassement de la récolte destinée à l’alimentation humaine et animale.

La lutte contre cet insecte est difficile. Il faut bien cibler la période d’intervention puisque les pontes s’étalent sur plusieurs semaines et que les larves se réfugient vite dans les épis. De plus, même s’il existe du maïs Bt (Viptera) pour contrôler cet insecte, la disponibilité de ces semences au Québec est encore faible. Par ailleurs, il a été démontré que le VGOH a déjà développé de la résistance contre certains types de Bt. On dispose également de peu d’informations sur les ennemis naturels de cet insecte.

Plusieurs facteurs

L’installation progressive du VGOH au Québec pourrait s’expliquer par plusieurs facteurs. Autrefois limité aux grandes plaines américaines, cet insecte a élargi son territoire vers le Nord-est américain et l’Ontario dans des zones dans lesquels il peut compléter son cycle vital. La quantité de papillons nous provenant de ces foyers pourrait donc s’accroître d’année en année.

Les changements climatiques (hausse des températures, vents favorables portant les papillons vers le Québec, hivers moins rigoureux) créent des conditions idéales pour que le VGOH complète son cycle de développement sous nos latitudes;  

Les papillons arrivent aux stades critiques de la floraison du maïs, ce qui leur permet de se reproduire. Le pollen produit à ce moment-là permet aussi aux jeunes larves de se nourrir en attendant la formation des épis;

Le VGOH est souvent capturé dans des champs où les sols légers (souvent sableux) permettent aux larves de s’enfouir tout en offrant des conditions favorables pour se transformer en chrysalide et survivre à l’hiver.

La surveillance et la gestion de cet ennemi constituent des priorités pour la Coalition canadienne contre les ravageurs du maïs. Des recherches sont donc nécessaires au Québec pour tenter de contrôler ce ravageur. Pour en connaître davantage sur le sujet, vous pouvez consulter la fiche technique réalisée par le RAP et disponible sur Agriréseau. Le CÉROM a d’ailleurs réalisé récemment une vidéo qui sera prochainement disponible sur YouTube.

Julien Saguez (biologiste-entomologiste) et Isabelle Fréchette (avertisseuse pour le RAP Grandes cultures)

Cet article est paru dans l’édition d’octobre 2018 du magazine GRAINS.