Forêts 28 octobre 2018

La problématique de la pierre de sucre

L’entartrage des casseroles à plis et à fond plat est un problème souvent rencontré par les producteurs acéricoles.

Lors de l’évaporation, des réactions chimiques entre les minéraux et d’autres constituants de la sève (acides organiques et sucres) se produisent et résultent en la formation de matières insolubles (bimalate de calcium et autres). Une partie de ces matières se dépose sur les surfaces internes des casseroles de l’évaporateur, un phénomène qui porte le nom de « pierre de sucre » (Allard et Belzile, 2004; Arzate et coll., 2013). Historiquement, celle-ci se formait surtout dans les casseroles à fond plat de l’évaporateur. Actuellement, les producteurs observent aussi ce phénomène dans les casseroles à plis. Ce changement d’emplacement pour la pierre de sucre est probablement dû à l’alimentation de l’évaporateur avec des concentrés de sève à plus haut Brix, accompagnée par une forte intensité de chauffage (Lemelin et Nadeau 2014). Cet entartrage a des conséquences sur la productivité, l’efficacité énergétique de l’évaporateur et la qualité du sirop produit. Il induit entre autres une augmentation du volume de combustible utilisé pour l’évaporation de l’eau. De même, il peut mener à une altération des caractéristiques organoleptiques du sirop et donc à la production de sirop de qualité inférieure (foncé, brûlé ou même de catégorie de transformation).

Plusieurs méthodes sont employées par les producteurs pour détartrer les pannes de l’évaporateur (agents chimiques, filtrat, lavage sous pression, manuel, etc.). Le détartrage chimique reste l’une des méthodes les plus utilisées en cours de saison. Deux projets de recherche ont été menés afin de mesurer l’efficacité de cette méthode et son effet sur la qualité du sirop produit après lavage. Ce dernier point concerne les caractéristiques sensorielles et l’éventuelle présence de résidus d’agents chimiques dans le sirop. Des tests de lavage des pannes à plis bien entartrées ont été effectués sur 12 évaporateurs au milieu de la saison avec trois agents chimiques : Top-Net, de l’acide acétique glacial (99 %), de l’acide acétique concentré (56 %) et un mélange d’acide acétique et d’acide citrique (50 %-50 %). Les procédures de lavage et de rinçage ont été inspirées de pratiques employées par les producteurs sur le terrain. Le lavage a été effectué soit par trempage, soit par recirculation à l’aide d’un lave-panne durant la nuit, avec une solution chaude (80-85 °C) d’acide dilué d’une concentration allant de 3,3 à 4,5 %. Les résultats de ces travaux de recherche ont démontré que le lavage avec les agents chimiques testés pour une concentration près de 4 % permet de bien enlever la couche de pierre de sucre et de nettoyer les pannes.

Après lavage, deux méthodes de rinçage des pannes ont été testées dans deux études sur deux saisons. Le rinçage à froid a été testé après lavage par trempage avec les trois agents chimiques. Il consiste à effectuer plusieurs rinçages avec de l’eau ou du filtrat froid. Ce rinçage n’a pas démontré une efficacité suffisante pour enlever les résidus des agents chimiques de lavage de la surface des pannes à plis, puisque de faibles concentrations ont été mesurées dans l’eau de dernier rinçage. Par conséquent, des résidus (traces) d’agents chimiques de lavage peuvent être détectés dans le premier sirop produit après lavage. Cependant, la présence de ces résidus n’avait pas d’effet sur la composition ou sur les propriétés sensorielles (couleur et saveur) de ce sirop. Les sirops produits après lavage avaient des notes de saveurs comparables à celles des sirops produits avant lavage. La figure 1-a montre un exemple de la concentration en acide acétique dans les sirops produits avant et après lavage avec de l’acide acétique combiné à un rinçage à froid. Le rinçage à chaud a été testé après lavage par trempage ou avec un lave-panne avec l’acide acétique 56 %. Le rinçage à chaud testé consiste à effectuer un rinçage à froid intercalé avec des séquences de rinçage à chaud (80-85 °C) d’une durée allant de 5 à 15 minutes, et finalisé par un dernier rinçage sous pression. La figure 1-b montre également la concentration d’acide acétique dans les sirops produits à la suite d’un rinçage à chaud par trempage. Ce rinçage chaud a démontré une meilleure efficacité, car aucune augmentation de la concentration de l’acide n’a été mesurée dans le sirop produit après lavage. Il faut se rappeler que cet acide est présent naturellement dans la sève et le sirop d’érable. Afin de garantir la qualité du rinçage, il est important de s’assurer que le pH du filtrat chaud est supérieur à 6 après rinçage. Si le pH est en dessous de cette valeur, il est nécessaire de recommencer la procédure de rinçage à chaud (Ali et coll., 2018).

Les résultats obtenus lors de cette recherche indiquent donc que le détartrage chimique des pannes à plis d’un évaporateur en cours de saison n’a pas d’effets négatifs sur la composition chimique et les propriétés sensorielles du sirop. Le respect des procédures de rinçage à chaud est toutefois essentiel afin d’éviter que le sirop produit soit contaminé par des résidus d’agents de lavage. Dans le cas de l’utilisation de l’acide acétique comme agent de lavage, l’emploi de la solution concentrée (56 %) est plus sécuritaire et pratique pour les besoins de lavage en érablière.

Fadi Ali, ing., Ph. D. / Centre ACER