Économie 16 octobre 2018

Mise en marché du houblon : « Il faut se battre! »

La culture du houblon gagne en popularité : des entreprises démarrent tandis que d’autres agrandissent leurs superficies. Mais la mise en marché demeure fragile. 

« Il faut travailler fort pour se faire connaître auprès des brasseurs [de bière] et concurrencer le houblon américain. Certaines microbrasseries sont prêtes à payer un peu plus pour du houblon québécois, d’autres pas », mentionne Steve Lemay, copropriétaire de la houblonnière Ferme Double L.L. à Saint-Édouard-de-Lotbinière, près de Québec. Le choix des variétés influence aussi la mise en marché, étant donné qu’un plant prend trois ou quatre ans avant d’entrer en production. Si la variété choisie devient moins prisée des acheteurs, les ventes sont plus difficiles.

Les grands brasseurs

L’essor que connaissent les microbrasseries québécoises et la demande pour du houblon local au goût distinct encourage Steve Lemay à augmenter ses superficies en culture. Il envisage de faire passer sa production de houblon de 14 000 à 50 000 plants lors des sept prochaines années. Pour que le houblon québécois passe à la vitesse supérieure, il faudra que les grands brasseurs québécois en achètent davantage. « Pour l’instant, les grosses brasseries n’en prennent pas beaucoup de nous. Elles ont peur qu’on soit incapables de les fournir toute l’année avec un produit de qualité. Pourtant, la qualité du houblon québécois est vraiment très bonne maintenant », assure-t-il. 

Le président de Houblon Québec, Luc Fortin, confirme ces propos. « On s’est dotés de normes de qualité, notamment lors du séchage. On ne dépasse pas une certaine température pour ne pas diminuer la saveur du houblon. Je dirais que depuis cinq ans, environ 80 % des producteurs livrent un houblon de meilleure qualité que celui des Américains », note M. Fortin. Comme autre stratégie de mise en marché, certains agriculteurs regroupent et mélangent leurs récoltes; une façon d’offrir des volumes de houblon au goût plus uniforme. Cela permet de vendre du houblon québécois ailleurs au Canada, et même au Brésil. 

Le départ est exigeant

À Belœil, en Montérégie, Daniel Coupal est satisfait de sa récolte 2018 : il a obtenu 1 250 kg de houblon avec ses 4 000 plants. Il a déjà vendu toute sa récolte. « C’est rentable le houblon, mais plusieurs se lancent en production et je ne sais pas s’ils vont tous réussir. Il y a des gens qui réduisent les prix actuellement », fait-il remarquer. 

À Berthierville, Marilyne Hudon a travaillé pratiquement tout l’été à la culture du houblon. Après quatre ans, il s’agit de la première « vraie » récolte de sa jeune entreprise nommée Le Baron du houblon. « Nous sommes contents du rendement, mais c’est beaucoup de travail et d’investissement les premières années. Il faut être patient et ne pas lâcher ». L’agricultrice s’est rendue au Vermont pour acheter une récolteuse mécanique usagée. « On n’avait pas le choix! À la main, on récoltait un plant à l’heure, tandis qu’avec une machine, c’est 80 plants à l’heure », explique celle qui cultive 3200 plants. 

Denis Fortin, de Houblon Québec, affirme qu’une culture de près de 4 000 plants peut représenter un investissement allant jusqu’à 180 000 $.