International 4 octobre 2018

Le secteur avicole perdra des plumes

Dès l’entrée en vigueur de l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC), 47 000 tonnes de poulet, 10 M de douzaines d’œufs et 1 Mkg de dindon se verront ouvrir les portes du marché canadien. Seuls les producteurs d’œufs d’incubation et de poussins ont été épargnés par l’entente. Si certains secteurs de production se disent surpris de l’annonce du 1er octobre, tous souhaitent des mesures compensatoires de la part du gouvernement.

Poulet

Quarante-sept mille tonnes de poulet américain pourront être introduites sur le territoire dès l’entrée en vigueur de l’Accord et le contingent sera augmenté annuellement pendant les 15 années subséquentes. Selon les Producteurs de poulet du Canada (PPC), à la 16e année, les États-Unis auront un accès garanti au marché canadien de 63 Mkg de poulet, ce qui concède un supplément de 12 Mkg par rapport au précédent accord. « Combiné avec l’accord du Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), [la part d’accès au marché] équivaut à 10,7 % de notre production, explique le président des PPC, Benoît Fontaine. On est déçus de ça. » L’impact se fera sentir tant chez les producteurs de poulets et de poussins que chez les transformateurs. « C’est une surprise parce qu’on fonctionne sans subventions. On ne coûte rien, on est déjà dans un marché ouvert comme 14e plus grand importateur [mondial], donc on comprend mal pourquoi, mais on va continuer à travailler avec le gouvernement pour le bien-être de l’industrie », souligne M. Fontaine. Le président doit s’entretenir prochainement avec le ministre MacAulay pour discuter de mesures transitoires sur l’AEUMC et le PTPGP.

Dindons

« Avant, [le contingent] était de 3,5 % sur notre production domestique [de dindons], maintenant, c’est 3,5 % sur la production totale, ce qui inclut nos exportations », souligne Marie-Hélène Jutras, conseillère aux communications des Éleveurs de volailles du Québec (EVQ). L’ajustement entre l’ancienne et la nouvelle méthode fera entrer de 600 000 à 1 Mkg de dindons supplémentaires par année. L’écart est plafonné à 1 M par année. « C’est quand même un peu difficile à accepter dans le dindon, parce qu’on n’a pas une croissance naturelle comme dans d’autres secteurs. […] Les dommages seront plus grands que si on en avait une », affirme le président des EVQ, Pierre-Luc Leblanc. Par ailleurs, le président des Éleveurs de dindons du Canada, Darren Ference, réclame un plan d’action de la part du gouvernement.

Œufs de consommation

« C’est clair qu’on est affectés et c’est clair que ce n’est pas positif », souligne le président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec, Paulin Bouchard. L’AEUMC prévoit un contingent de 10 M de douzaines d’œufs de consommation et une augmentation annuelle de 1 %/an pendant les 10 années suivantes. Il est trop tôt pour évaluer les impacts, mais au premier coup d’œil, l’AEUMC ressemblerait au PTPGP. Dans le cadre du Partenariat, la perte pour les agriculteurs canadiens a été estimée à 291 M de douzaines d’œufs.

L’accompagnement des producteurs par le gouvernement sera primordial, indique M. Bouchard, et ces derniers s’attendent à être dédommagés pour les pertes à venir.

Œufs d’incubation et poussins épargnés

L’accès au marché des œufs d’incubation de poulets de chair et de poussins américains reste le même sous le nouvel accord, soit 17,4 % de la production d’œufs d’incubation de poulets de chair canadiens et 3,7 % pour les poussins. Cependant, les Producteurs d’œufs d’incubation du Canada (POIC) se disent négativement affectés par l’augmentation des contingents de poulet. « On est des fournisseurs d’œufs aux couvoiriers, qui eux, vendent des poussins aux producteurs de poulets », rappelle le 1er vice-président des POIC et président des Producteurs d’œufs d’incubation du Québec, Gyslain Loyer. « On est contents [pour notre secteur], mais en même temps déçus, parce que nos collègues du lait font les frais, encore une fois, de cette entente commerciale et pour moi, c’est un échec », ajoute-t-il.

Ce qu’ils ont dit: 

« On reconnaît que les producteurs laitiers sont quand même les plus affectés, parce que nous n’étions pas [concernés] par l’Accord économique et commercial global avec l’Europe. » – Paulin Bouchard, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec

« Là où l’on pense qu’il y a peu d’impacts, ça vient quand même nous fragiliser. On est présentement à 3,5 %, mais ce sera quel pourcentage dans six ans? Le fait d’avoir ouvert ces portes peut nous paraître inoffensif aujourd’hui, mais dans 10 ans, peut-être que ça va nous fragiliser davantage. » – Pierre-Luc Leblanc, président des Éleveurs de volailles du Québec