Actualités 16 octobre 2018

Portrait de la résistance des mauvaises herbes aux herbicides au Québec 

Jusqu’à présent, les herbicides sont le principal et parfois l’unique outil de gestion utilisé pour le contrôle des mauvaises herbes. Malheureusement, l’utilisation répétée du même mode d’action ainsi que l’énorme capacité d’adaptation des mauvaises herbes ont favorisé le développement de la résistance.

Au Canada, le premier cas de résistance (carotte sauvage résistante au 2,4-D) a été répertorié en Ontario en 1957. En outre, la résistance a commencé à être répertoriée plus largement au milieu des années 1970, et depuis, les cas ne font qu’augmenter. Présentement, la résistance a été rapportée pour 23 des 26 modes d’action connus, chez 225 espèces de mauvaises herbes, et ce, dans 70 pays, incluant le Canada.

La résistance au Québec

Au Québec, entre 2011 et 2017, 149 populations de mauvaises herbes résistantes appartenant à 14 espèces ont été répertoriées par le Service de détection de la résistance des mauvaises herbes aux herbicides du Centre de recherche sur les grains (CÉROM) et le Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEPD-MAPAQ) (figure 1). La petite herbe à poux a été l’espèce avec le plus de populations résistantes (60), suivie par la morelle noire de l’Est (22). Le groupe 2 (inhibiteurs de l’ALS) a été le groupe d’herbicides avec le plus de résistance, tant en nombre d’espèces (10) qu’en nombre de populations (111). Les deux matières actives avec le plus de résistance ont été l’imazéthapyr (69 populations) et le cloransulame-méthyl (28 populations). La superficie ayant des populations résistantes au Québec est d’environ 1 000 ha. Les régions administratives ayant le plus de cas de résistance ont été la Montérégie (70 populations), le Centre-du-Québec (22 populations) et Lanaudière (21 populations). La majorité des populations résistantes ont été échantillonnées dans le soya et le maïs. En 2017, une population d’amarante tuberculée, résistante aux groupes 2 (inhibiteurs de l’ALS), 5 (atrazine) et 9 (glyphosate), a été répertoriée pour la première fois au Québec. 

Bien que ces chiffres donnent une idée de l’ampleur du problème, la présence des populations résistantes est en réalité sous-estimée. En effet, cette sous-estimation est principalement due à un diagnostic sur une base volontaire plutôt qu’à un dépistage systématique. De plus, il est difficile d’identifier visuellement la présence de mauvaises herbes résistantes avant que la résistance soit présente dans au moins 10 à 20 % de la population. Cela fait qu’au début, l’établissement d’une population résistante dans un champ peut passer facilement inaperçue. Par exemple, un inventaire réalisé au Saguenay–Lac-Saint-Jean et en Montérégie a montré que 19 % et 40 % des producteurs, respectivement, ne se doutaient pas qu’ils avaient des mauvaises herbes résistantes. Cet inventaire a été réalisé en 2014 et 2015 par Cuerrier et collaborateurs, afin d’avoir un portrait plus complet de la présence de la résistance de la petite herbe à poux à l’imazéthapyr (groupe 2) et de la folle avoine au fenoxaprop-p-éthyl (groupe 1). Cet inventaire a également montré qu’en Montérégie, 81 % des populations de petite herbe à poux échantillonnées étaient résistantes à l’imazéthapyr. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la résistance était présente dans 35 % des populations de folle avoine échantillonnées. 

Il est important de préciser que dans le cas du chénopode blanc et de la vergerette du Canada des tests sont toujours en cours afin de confirmer la résistance au glyphosate.

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La détection de la résistance 

Le dépistage représente une composante indispensable à la réussite de tout programme de gestion des mauvaises herbes, car il permet, entre autres, d’évaluer l’efficacité des pratiques prescrites. La présence d’une population de mauvaises herbes qui a survécu après un traitement herbicide ne doit pas automatiquement être attribuée à la présence de résistance, car d’autres facteurs peuvent avoir une influence sur l’efficacité de l’herbicide, tels que des facteurs climatiques au moment de l’application, la dose utilisée, etc. 

Pour l’année 2018, trois options sont possibles pour le diagnostic de la résistance au Québec :

La détection par des méthodes moléculaires1. Offerte par le LEPD-MAPAQ.

La détection par la méthode traditionnelle (échantillon des graines de la mauvaise herbe soupçonnée d’être résistante et évaluation des plantules issues de ces graines). Offerte par le Service de détection de la résistance des mauvaises herbes aux herbicides (CÉROM).

La détection de la résistance au glyphosate de cinq espèces de mauvaises herbes : l’amarante tuberculée, la petite et la grande herbe à poux, la moutarde des oiseaux et la vergerette du Canada. Offerte par Mme Cuerrier et le groupe Pleine Terre, dans le cadre d’une enquête financée par le Programme Prime-Vert, qui sera réalisée en Montérégie, au Centre-du-Québec et dans Lanaudière.

Ces trois initiatives sont complémentaires et sont offertes gratuitement pour la saison 2018. Pour plus de détails, consultez le bulletin d’information général no 4 du Réseau d’avertissements phytosanitaires, disponible à l’adresse : https://www.agrireseau.net/rap/documents/98415. 

1. Technologie sous licence d’Agriculture et Agroalimentaire Canada

Sandra Flores-Mejia, chercheuse en malherbologie au Centre de recherche sur les grains (CÉROM)

Ce texte est paru dans l’édition de septembre 2018 du magazine GRAINS.