À coeur ouvert 11 septembre 2018

Quand le perfectionnisme va trop loin

C’est la première fois que nous publions une lettre d’Europe. Anne-Marie*, une productrice de Belgique, est coincée entre l’arbre et l’écorce, entre son mari et son fils.

Elle aurait bien aimé avoir accès au service de médiation des travailleurs de rang québécois présenté dans la chronique du 22 août dernier. En effet, son message démontre que les familles agricoles des deux côtés de l’Atlantique peuvent être confrontées à des difficultés semblables de conciliation travail-relations familiales.

coeur_ouvert« Bonjour, votre message m’a vraiment interpellée. Dommage que vous soyez si loin. Je suis agricultrice en Belgique. Mon mari et moi gérons une grosse ferme de 950 bovins et cultivons 180 hectares. Nous avons un ouvrier et une autre personne qui vient faire la traite du soir en rotation […] puis il y a notre fils. […] Il est motivé par la ferme, il adore ça, mais depuis deux ans, rien ne va plus entre lui et son père. 

Mon mari est très dictateur. Il aime le travail très bien fait. Tout doit être tout le temps parfait; aucun droit à l’erreur. Mon fils est pareil. En plus, il est colérique et rancunier. Ce sont des disputes constantes pour tout et pour rien et moi je suis -toujours là entre les deux. » 

La lettre d’Anne-Marie nous permet d’exposer un sujet non abordé jusqu’à présent dans cette chronique : le perfectionnisme à outrance. Mal contrôlé, ce trait de caractère peut être toxique pour la personne elle-même et pour son entourage. Il est légitime de ne pas aimer un travail « botché ». À l’opposé, lorsque les attentes sont tellement élevées qu’elles sont inatteignables, elles sont source de frustration et d’insatisfaction. Rechercher la perfection en tout temps peut générer du stress, de l’anxiété et, en fin de compte, mener à l’épuisement.

De père en fils

Le fils et le conjoint d’Anne-Marie semblent partager un perfectionnisme excessif. De fait, ce trait de personnalité peut avoir une composante génétique, mais il peut aussi être transmis par l’environnement dans lequel baigne l’enfant. Lorsqu’un parent ne s’accorde et n’accorde aux autres aucun droit à l’erreur, il devient plus difficile pour le fils ou la fille de se le permettre. En outre, l’enfant peut rapidement comprendre, à tort ou à raison, que l’amour de son parent est conditionnel au fait qu’il soit parfait.

On retrouve aussi chez les gens qui font preuve de perfectionnisme excessif une rigidité et un besoin de tout contrôler. Il n’y a qu’une seule et unique façon de faire adéquatement les choses : la leur. Ils font peu confiance aux autres et ont donc énormément de difficulté à déléguer ou à travailler en équipe. Les perfectionnistes à l’extrême ne sont pas seulement très sévères envers eux-mêmes, ils risquent de l’être également à l’égard des autres. En raison de leurs attitudes intransigeantes, ils finissent par avoir des relations pourries avec leur entourage.

Avoir des standards élevés pour soi ou pour les autres n’est pas un défaut, loin de là. Ce sont les excès qui sont dommageables. Comment garder le bon et enlever ce qui est néfaste? On ne devient pas plus tolérant envers soi et les autres en criant ciseau. Tout d’abord, il doit y avoir une prise de conscience des effets négatifs du perfectionnisme sur soi-même et sur son entourage, notamment l’anxiété, la difficulté à respecter les échéanciers en raison d’une méticulosité excessive, l’épuisement et les relations difficiles et conflictuelles. Au besoin, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par un ou une psychologue. 

La perfection, c’est comme le reste : trop, c’est comme pas assez.  

* Prénom fictif