Économie 4 janvier 2019

360 000 œufs par jour pour fabriquer des vaccins

Deux couvoirs (Boire et Embryons Lanaudière) et 28 fermes du Québec alimentent chaque année la pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK) pour fabriquer des vaccins contre la grippe (influenza chez l’humain). Ceux-ci requièrent quelque 360 000 œufs par jour pendant la saison de production des vaccins qui débute en mars. Pour expliquer les étapes de cet important travail, La Terre a interviewé un spécialiste de GSK, Bernard Lavallée. Celui-ci travaille à l’usine de Sainte-Foy qui se consacre aux vaccins.

« Les œufs arrivent en fin d’après-midi à 37 °C pour qu’ils ne soient pas trop stressés », indique le spécialiste, qui précise que ce sont des œufs normaux dont la qualité est cependant « très surveillée », ce qui fait en sorte qu’ils sont « un peu plus propres qu’à l’épicerie ».

Les œufs sont d’abord incubés pendant la nuit. Le 1er jour, les employés de GSK procèdent à l’inoculation de 0,2 ml de virus d’influenza dilué et injecté par un petit trou. « On va incuber le tout pendant deux ou trois jours à 35 °C et le nombre de virus va augmenter », explique Bernard Lavallée.

Le 3e jour, les œufs sont réfrigérés toute la nuit à 5 °C, ce qui fait mourir l’embryon de façon « assez douce ». Le lendemain, 10 ml de blanc d’œuf sont récupérés et purifiés. Quelque 3 600 litres sont ainsi recueillis chaque jour. Un agent chimique est ensuite injecté pour tuer le virus en le rendant inactif. Les bactéries sont éliminées par le même processus. Le virus est alors purifié et concentré par centrifugation pour obtenir 350 litres, soit 10 fois moins qu’au départ.

« On va ensuite fragmenter le virus avec un agent chimique », explique Bernard Lavallée, qui précise que cette fragmentation augmente la réponse immunitaire des personnes vaccinées et diminue les effets secondaires.

Puis, la préparation est homogénéisée, filtrée et stérilisée. Il reste alors moins de 350 litres; cependant, GSK ne dévoile pas la quantité précise.

Le vaccin est alors versé dans des fioles ou des seringues, prêt pour l’injection.

L’inoculation des œufs avec une souche de virus influenza.
L’inoculation des œufs avec une souche de virus influenza.

Choix des souches de virus

Chaque année, c’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui décide quelles souches d’influenza feront partie du vaccin vers la fin février. Le nombre se situe généralement à trois ou quatre souches selon les données épidémiologiques mondiales. GSK est invitée à une rencontre, mais ne prend aucune décision sur cet aspect, même si elle souhaite que le vaccin soit le plus efficace possible. Les premières doses produites après la décision de l’OMS arrivent en juillet.

On incube seulement une souche par œuf et le produit final issu des différentes souches sélectionnées est ensuite mélangé.

Des œufs de vaccins depuis les années 40

Le procédé décrit dans cet article existe depuis les années 40 et il y a eu très peu de modifications depuis les guides de GSK produits dans les années 60.

« Certains compétiteurs ont des vaccins produits sur cellules », explique Bernard Lavallée, qui estime néanmoins que la production de vaccins avec des œufs a encore plusieurs années devant elle étant donné sa simplicité et ses coûts relativement peu élevés. Environ 90 % des vaccins contre l’influenza sont produits avec des œufs tant au Canada que dans le monde. Le spécialiste ne prévoit pas de changement important à cet égard avant au moins 5 à 10 ans.

GSK produit à peu près 50 % des 12 millions de doses nécessaires au Canada chaque année, soit de 5 à 6 millions.

L’usine de Sainte-Foy emploie 800 personnes, dont 500 permanents. Les 300 travailleurs saisonniers reviennent généralement à 90 % d’une année à l’autre, ce qui est une bonne chose pour l’entreprise puisqu’il faut de deux à six mois de formation selon les tâches effectuées.

Étape de purification des vaccins.
Étape de purification des vaccins.