Actualités 30 juillet 2018

Orienter la flore microbienne intestinale pour une agriculture durable

Depuis une dizaine d’années, grâce à l’évolution des techniques de séquençage à haut débit et de leur interprétation, il y a un accroissement des connaissances sur les communautés microbiennes qui constituent ce que l’on appelait « la flore digestive » (le microbiote digestif) des animaux.

En connaissant les bactéries digestives sans avoir besoin de les cultiver, on se rend compte à quel point elles ont une incidence sur la santé animale et le comportement des animaux, mais aussi sur la présence de pathogènes alimentaires chez ces derniers et donc sur la salubrité des aliments mis à la disposition des consommateurs.

La Chaire de recherche en salubrité des viandes (CRSV) de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal s’est engagée depuis le début dans cette révolution. Elle travaille d’arrache-pied pour comprendre et décrire la flore microbienne digestive chez les porcs et les volailles, et amener celle-ci à devenir optimale avec l’objectif d’assurer la pérennité des productions agricoles.

Parmi les bons coups, les recherches menées démontrent :

  • que le microbiote intestinal du porcelet dépend de la flore de la truie, qui évolue pendant la gestation. Certains des constituants de la flore de la truie participent à une moindre présence de salmonelles au moment de la mise bas;
  • que la flore digestive des porcs à l’engrais est modifiée par la forme de l’aliment qui leur est proposé. Une alimentation sous forme moins compactée avec une granulométrie plus grossière permet aux porcs d’avoir moins d’ulcères et d’héberger moins de salmonelles dans leur tube digestif;
  • qu’un comportement traduisant ou générant un stress (mordillage actif ou subi) peut aussi se répercuter sur la flore digestive des animaux;
  • que dans le secteur avicole, la flore de surface des œufs est une sélection de la flore fécale des oiseaux reproducteurs, et que les bactéries à la surface des œufs sont finalement spécifiques à l’élevage où ils sont pondus.

On cherche alors à orienter favorablement le microbiote digestif des animaux. Une des voies d’accès privilégiées est l’alimentation.

Ingrédients naturels plutôt qu’antibiotiques

Les antibiotiques sur lesquels on s’appuyait pour sécuriser les productions animales sont chose du passé. Aujourd’hui, on pense aux ingrédients naturels ou aux bactéries bénéfiques directement apportés par l’alimentation; reste encore à vérifier que c’est efficace.

Là encore, il importe de prendre en compte l’extrême diversité du microbiote que rencontreront les produits candidats pour devenir des additifs alimentaires dans leur environnement d’action
– l’intestin de l’animal – pour ne retenir que ceux qui ont le potentiel
d’être vraiment actifs.   

Importance des conditions d’élevage

La qualité des œufs de consommation et des viandes de porc et de poulet à griller s’appuie sur la description des populations microbiennes transférées. L’importance des conditions d’élevage sur la flore des carcasses et sur celle des surfaces de travail en abattoir ainsi qu’en salle de découpe est également documentée par ces approches novatrices.

Philippe Fravalo, M. Sc., Ph. D., professeur en santé publique vétérinaire Université de Montréal