Actualités 18 juillet 2018

Sortir de l’agriculture sans égratignure

Vincent, un passionné des vaches depuis son enfance, s’est départi de son troupeau au cours de la dernière année. Il nous a fait part de ses réflexions.

« Des conférences sur l’établissement, il y en a des tonnes, mais combien y en a-t-il qui expliquent comment sortir de l’agriculture? Moi, je n’en ai jamais entendu. Et pourtant, il y a beaucoup plus d’agriculteurs qui partent qu’il y en a qui arrivent… Il est où, le besoin? Ben moi, j’avais ben plus de questions en terminant qu’en commençant! »

Vincent a quitté le métier d’éleveur. Il avait atteint l’objectif qu’il s’était fixé, soit d’élever des bêtes qui pouvaient performer au niveau national. Il compare sa situation à celle d’un athlète qui a atteint un sommet et qui ne peut ensuite que redescendre. Pour ce gars qui carbure aux défis et au dépassement de soi, poursuivre sur son erre d’aller était inconcevable.

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La vente de son patrimoine, Vincent l’a préparée aussi judicieusement que son établissement. Nullement reliée à la conjoncture de la production laitière, sa décision de quitter la production a été mûrement réfléchie. Il a consulté divers experts, dont son comptable, de façon à rentabiliser au maximum les efforts, le temps et l’argent investis dans sa ferme au cours des 15 années où il a été propriétaire.

De beaux défis attendent Vincent dans un poste de direction dans le para-agricole. La transition, déjà amorcée avant la vente de son troupeau, a été salutaire : « Moi, si je n’avais pas eu un emploi avant d’arrêter la production, si je n’avais pas su que je pouvais faire autre chose, je peux dire tout de suite que je ne sais pas quel aurait été mon état d’esprit. » Vincent a en tête les athlètes qui réussissent très mal leur retour à la vie normale après s’être entraînés sept jours sur sept pour atteindre leur objectif. « Combien d’entre eux font une dépression, tombent dans la drogue, dans toutes sortes d’affaires le jour où ils ne sont plus en compétition? » s’interroge-t-il.

Fin de la routine de producteur

Vincent s’est entouré de professionnels pour bien préparer sa sortie, mais on ne met pas fin à une routine de producteur, à une discipline d’athlète, en criant ciseau. « Des fois, je me disais que je serais donc bien avec des fins de semaine comme les autres, sauf que le matin où ça arrivait, je ne savais même pas quoi en faire! Meubler une fin de semaine, je le sais que je vais finir par y arriver, mais meubler sept jours, je trouverais ça vraiment dur! Un producteur qui a travaillé 7 jours sur 7 pendant 15 ans, 25 ans, 35 ans, ne peut pas arrêter comme ça du jour au lendemain. Ça doit se préparer… »  

Sortir de l’agriculture, un domaine aussi prenant que passionnant, nécessite une préparation particulière. Le fait de réfléchir assez tôt dans le processus à nos intérêts, à nos autres passions, à nos talents et à nos habiletés peut nous aider à remplir ce trou dans notre vie. Prendre conscience de nos forces est déjà un pas dans la bonne direction.

Nous laissons le mot de la fin à Vincent : « Combien vont dire qu’ils ont juste tiré des vaches dans leur vie, se demandant ce qu’ils peuvent faire d’autre? Ils devraient plus dire qu’ils ont été gestionnaires, qu’ils ont fait de la résolution de problèmes, qu’ils ont constamment fait face aux enjeux du marché, qu’ils ont développé une résistance à la pression, qu’ils ont développé un esprit créatif leur permettant de faire des réparations à peu de frais, etc. ».