Environnement 21 juin 2018

Des sols contaminés écoulés dans des fermes

La Sûreté du Québec (SQ) met les agriculteurs en garde. Un réseau peu scrupuleux écoule des sols contaminés à l’arsenic, au plomb et aux hydrocarbures, sans respecter la réglementation environnementale. Au moins deux fermes du Québec ont été touchées.

Ces sols proviennent souvent de grands chantiers, comme celui de l’échangeur Turcot à Montréal, et peuvent être contaminés aux hydrocarbures ou aux métaux lourds. Le risque est donc grand de nuire au rendement ou même de contaminer les cultures et les aliments. Le plomb, par exemple, est facilement absorbable par les plantes.

Selon Hugo Fournier, porte-parole de la SQ, deux fermes ont fait l’objet d’une enquête, mais la SQ a recueilli de l’information sur d’autres endroits. Les régions les plus concernées sont celles de L’Assomption, Sainte-Sophie et Mirabel.

« Le risque est de contaminer des aliments par des métaux lourds », indique Marc Hébert, un spécialiste des matières résiduelles fertilisantes qui a œuvré plusieurs années au ministère de l’Environnement du Québec. Il effectue maintenant un mandat pour Englobe, une entreprise de traitement des sols contaminés. « Depuis quelques années, les centres de traitement reçoivent de moins en moins de sols à traiter », indique Marc Hébert, qui estime que des millions de tonnes de sols contaminés pourraient être en cause.

Modus operandi

« Certaines organisations fournissaient même la machinerie pour niveler la terre [contaminée] », a expliqué Hugo Fournier, en parlant du modus operandi des malfaiteurs. Ces derniers offraient de la terre gratuitement ou au rabais et exigeaient souvent la signature d’une décharge de responsabilités ou d’un contrat d’exclusivité. Ces documents permettaient aux livreurs de se dégager de la responsabilité d’avoir fait affaire avec les agriculteurs.

La SQ a confirmé à La Terre que l’enquête Naphtalène sur l’écoulement potentiellement illégal de sols contaminés était terminée, et le dossier est maintenant entre les mains du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) depuis « quelques mois ». Ce dernier n’a pas encore décidé s’il allait déposer des accusations contre le réseau identifié par la SQ.

Traçabilité

Le projet pilote Traces Québec, mis en place en mars 2018 dans l’arrondissement d’Outremont, permet d’assurer la traçabilité des sols contaminés, du prélèvement à la destination finale. Si elle était déployée dans toute la province, cette traçabilité permettrait de compléter les registres de compagnies comme Englobe ou Sanexen qui font déjà un suivi à partir du moment où elles reçoivent des sols à traiter. La ministre de l’Environnement, Isabelle Melançon, a d’ailleurs ouvert la voie à cette possibilité lors du lancement de Traces Québec.

Conseils aux agriculteurs

La SQ souhaite mettre en garde les agriculteurs. « Toute terre de remblai peut être contaminée. Les agriculteurs ne devraient pas s’y fier avant d’avoir analysé la terre au préalable », conseille le porte-parole de la SQ, qui ajoute que des rapports d’analyse falsifiés peuvent aussi circuler.

Selon le spécialiste en environnement Marc Hébert, les hydrocarbures peuvent être toxiques pour les organismes du sol et éventuellement pour les plantes. Ce dernier rappelle que les travaux de remblai doivent être faits sous la supervision de la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ), qui a d’ailleurs produit un guide de bonnes pratiques sur le sujet des remblais. « La règle est simple : c’est de s’assurer d’avoir la recommandation d’un agronome », ajoute Marc Hébert, qui précise que l’embauche d’un agronome permet un « transfert de responsabilité » vers ce professionnel qui dispose d’assurances. L’Ordre des agronomes prépare d’ailleurs une grille d’évaluation pour mieux baliser le travail de ses membres sur la question des remblais.