Politique 20 juin 2018

L’UPA propose une façon de lever le moratoire

« Il faut trouver une solution pour sortir du moratoire; c’est un frein à la croissance », affirme Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA). Il soutient que les producteurs respectent les exigences environnementales et ont fait des avancées importantes depuis 2004 concernant la gestion du phosphore.

Il souligne aussi que l’agriculture est le seul secteur économique qui est restreint dans son utilisation de nouveaux terrains. Lorsqu’il s’agit de construction résidentielle, de routes, de pipelines, de lignes d’Hydro-Québec, ou d’industrie minière ou forestière, on peut défricher après autorisation.

Selon l’UPA, le projet de modification réglementaire qui est à l’étude depuis le 14 février ne lève pas vraiment le moratoire. Il ouvre certes la porte à une augmentation des superficies, mais à cinq conditions. Parmi celles-ci, le sous-bassin versant où se situe la terre à déboiser devra contenir moins de phosphore que le seuil d’eutrophisation de
30 µg/L, la certification biologique sera obligatoire et aucun sol ne devra être à nu lors de la culture de maïs, de soya ou de céréales. Pour l’UPA, Québec doit revoir complètement cet aspect du Règlement sur les exploitations agricoles (REA).

Dégel pondéré

En réaction à ces conditions, l’UPA propose une autre approche. Premièrement, elle suggère que la mise en culture de superficies qui ne résultent pas d’un déboisement soit autorisée. On parle ici d’améliorations foncières, comme le remblai d’un fossé, la démolition d’un bâtiment, la remise en culture d’une lisière de friche, l’élimination d’un chemin de ferme et l’enlèvement de débris ou de roches. Ces superficies ne devraient pas dépasser 5 % de celle de la ferme.

Pour plus de 5 % de superficies supplémentaires, incluant celles résultant d’un déboisement, l’UPA propose qu’elles soient autorisées avec conditions et en fonction du bilan de phosphore de la ferme. L’accroissement des superficies obligerait l’adoption de cultures de couverture sur une partie des terres, comme les prairies, les céréales d’automne, les engrais verts à la dérobée ou en intercalaire et non travaillés à l’automne. « Ces cultures de couverture permettent la rétention du phosphore et sont un engrais vert. Notre proposition obligerait les producteurs à commencer à utiliser cette technique-là », explique Marcel Groleau.

Des rivières sous le seuil d’eutrophisation

L’UPA demande au gouvernement de prévoir un mécanisme de retrait des municipalités situées dans les bassins dégradés lorsque ceux-ci ne le sont plus. D’après des données fournies par le ministère de l’Environnement que La Terre a consultées, une dizaine de rivières situées dans les zones dites dégradées se trouvent aujourd’hui sous le seuil d’eutrophisation de 30 µg/L qui a servi en 2004 pour déterminer les bassins versants en surplus sous moratoire. 

Il y a moyen de contrôler le phosphore

« Il y a des solutions; il ne faut pas jeter l’éponge », lance Aubert Michaud, chercheur de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA). Voici les bonnes pratiques qui, selon lui, doivent être largement adoptées par les producteurs agricoles afin de limiter les apports de phosphore aux cours d’eau.

  • Équilibrer l’enrichissement des sols à long terme;
  • Éviter la compaction;
  • Incorporer le lisier au sol à l’épandage;
  • Procéder à une séparation solide/liquide des engrais de ferme par endroits;
  • Réintroduire plus de céréales à paille dans la rotation, combinées à des cultures de couverture;
  • Aménager les cours d’eau en tenant compte des milieux humides et des zones plus critiques pour le transfert du phosphore.

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