Actualités 16 mai 2018

L’intelligence artificielle s’invite dans les serres

Imaginez, dans une serre, un algorithme intelligent capable de relever et d’analyser des millions de données, puis de contrôler et d’optimiser la production en temps réel pour prédire, avec précision, le moment de la récolte. 

C’est ce que propose la start-up montréalaise Motörleaf aux entreprises en serres horticoles et maraîchères commerciales. La technologie donnera la possibilité d’automatiser la prévision des rendements, originellement faite manuellement par les agronomes, et de permettre un approvisionnement régulier aux grandes chaînes à l’année.

« Dans un contexte où l’ensemble des activités de production en serre à travers le Canada vise à fournir un approvisionnement en continu aux grandes chaînes d’alimentation, l’algorithme permet aux agriculteurs de se sécuriser, d’aller chercher une rentabilité et de négocier de bons prix, parce que du côté des grandes chaînes, on s’assure d’avoir un produit de qualité, en continu et selon les attentes des consommateurs pour satisfaire leurs besoins », explique Jean-Philippe Coiteux, le directeur à l’investissement qui s’occupe de l’entreprise chez Desjardins Capital.

Intelligence agronomique

Dans le monde de la finance, l’engouement est palpable. Une ronde de financement a permis à Motörleaf d’amasser 2,85 M$ US. Desjardins Capital a elle-même investi 675 000 $ dans la compagnie. L’algorithme, nommé Agronomist.ia, sera personnalisable et adaptable à chacune des productions en serre. La technologie est actuellement à l’essai dans une serre de tomates de 70 acres en Californie, où les résultats ont démontré une réduction de 50 % du taux d’erreurs significatives. De plus, on teste l’algorithme dans des serres en Pologne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Au Québec, un producteur de cannabis médical en fait l’essai et les universités Concordia et McGill développent avec Motörleaf de nouvelles formes de collecte de données volumineuses.

Pour les agriculteurs, la technologie ne requerra pas d’investissements majeurs, puisqu’elle s’intégrera aux systèmes de prélèvement de données déjà en place dans la serre. Un producteur intéressé seulement par la collecte de données déboursera 100 $/mois. S’il ajoute l’intelligence artificielle pour prédire ses rendements, le tarif qu’il paiera sera fixé à compter de 160 $/mois/acre. En entrevue à La Terre, le président directeur général de Motörleaf, Alastair Monk, explique que la technologie servira aux petites, aux moyennes et aux grandes entreprises, et bien que l’algorithme ne permette pas encore de le faire, il pourra ultimement donner aux grossistes la possibilité d’anticiper la production en fonction des besoins à venir sur le marché. « Ce n’est pas quelque chose que nous faisons en ce moment, mais la prochaine étape logique serait d’avoir cette information sous la main », indique le président.

La technologie ouvre également la voie à la recherche et au développement. « En travaillant sur des microchangements, il sera possible d’altérer le caractère poivré d’un basilic ou le goût sucré d’une tomate », indique le porte-parole de Desjardins Capital, Richard Lacasse.

Évolution

Dans le domaine des serres, ce n’est pas une révolution que propose la start-up, mais à tout le moins une évolution. Selon le directeur général des Producteurs en serre du Québec, Claude Laniel, la technologie est intéressante; il faut cependant convaincre les agriculteurs d’y adhérer. « La plus grande difficulté, c’est de dire aux gens que l’ordinateur prendra les décisions à leur place. C’est le même principe que pour la voiture autonome », affirme-t-il. Seront-ils enclins à lâcher le volant pour laisser le véhicule les emmener, par lui-même, à leur destination? D’autant plus que l’algorithme ne prend pas en considération les prix du marché, souligne M. Laniel.

L’implantation de la technologie ne se fera pas de sitôt puisque l’algorithme a besoin d’accumuler des données pendant une période de trois ans pour être efficace, et bien que la collecte de données semble être au point, la prise de contrôle du système par l’algorithme ne semble pas encore être optimale.