International 18 mai 2018

La « recette suisse » pour commercer sans ébranler l’agriculture

DRUMMONDVILLE — La Suisse, ce petit pays européen avec des coûts de production agricoles élevés, a réussi à signer 30 accords commerciaux, dont un avec la Chine, sans ébranler son agriculture. Des ouvertures de marché « sur mesure » sont concédées. Le Canada pourrait-il s’en inspirer pour ses accords commerciaux?

« Tout commence par la Constitution fédérale suisse », a expliqué Krisztina Bende, chef de l’Unité de politique commerciale internationale de la Suisse, aux Perspectives agroalimentaires du 17 avril. L’article 104 de cette constitution, appuyé largement par référendum en 1996, prévoit que le pays doit veiller à la sécurité de l’approvisionnement de la population, à l’entretien du paysage et à l’occupation décentralisée du territoire. La Constitution prévoit même que le gouvernement peut déroger au besoin du principe de la liberté économique pour soutenir les fermes suisses financièrement et par diverses règles. Quelque 60 % des revenus des agriculteurs suisses proviennent d’ailleurs de l’État. « On a déterminé des lignes rouges [pour les négociations]. Tout le monde a exactement le même but », soutient Krisztina Bende.

Krisztina Bende. Crédit photo : Thierry Larivière / TCN
Krisztina Bende. Crédit photo : Thierry Larivière / TCN

Un pied dans l’Europe

Les autres pays voient quand même un avantage à négocier avec la Suisse, notamment pour mettre un pied en Europe avant de négocier avec l’Union européenne, dont la Suisse ne fait pas partie. Une entente entre la Suisse et les pays du Mercosur est d’ailleurs envisagée d’ici la fin de l’année.

« Il faut s’assurer que les ouvertures de marché qui sont négociées n’ébranlent pas l’agriculture suisse », précise la négociatrice, qui a recours à la méthode du « double tarif ». Un certain contingent, à bas tarif, peut être consenti hors des périodes de récoltes locales, et le tarif hors contingent, plus élevé, s’appliquera pendant la récolte. On prévoit aussi des tarifs uniques modulés sur certaines autres denrées, comme les céréales et les oléagineux, qui peuvent varier en fonction du prix mondial. Finalement, une ouverture « sur mesure » peut parfois être concédée pour des produits certifiés durables pour le bien-être animal ou biologiques. Un ajout à la Constitution suisse voté en 2017 prévoit d’ailleurs que les « relations commerciales transfrontalières contribuent au développement durable de l’agriculture et du secteur agroalimentaire ».
Il est important de noter qu’en plus d’octroyer des subventions, le gouvernement exerce un contrôle strict de l’utilisation de la croix suisse sur les produits. Le chocolat suisse, par exemple, doit absolument contenir du lait frais suisse. Lindt fabrique donc ses produits en partie en Allemagne pour les marchés internationaux, mais les produits vendus en Suisse sont confectionnés sur place.

« J’ai bon espoir qu’on va reprendre les discussions avec le Canada », a laissé tomber la négociatrice devant le parterre des Perspectives agroalimentaires.