Actualités 14 avril 2018

Effaroucheur d’oiseaux… ou gardien des grandes cultures!

LOTBINIÈRE — Quand on lui a offert de devenir effaroucheur, Jean-Luc Fiola n’avait aucune idée de quoi il s’agissait. « Une quinzaine d’années plus tard, je peux dire qu’à mon âge, je suis à la veille de lâcher, mais lorsqu’on me sollicite chaque printemps, je dis encore oui et je le ferai tant que je serai en forme », déclare-t-il aujourd’hui.

En poste depuis le début du Programme d’effarouchement des oiseaux migrateurs en milieu agricole, Jean-Luc Fiola raconte qu’au départ, il a simplement répondu à l’invitation du syndicat de base de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de sa région. En 2003, celui-ci l’a approché pour lui proposer un travail. Ancien producteur laitier, puis gardien de bovins de boucherie, l’homme s’était alors converti aux grandes cultures.

« Effaroucheur, je ne savais pas du tout ce que c’était à l’époque! Mais j’étais conscient que les grandes oies des neiges et les bernaches étaient responsables de ravages importants sur les terres environnantes. Tous les printemps, elles survolent le Saint-Laurent en route vers le Grand Nord où elles vont pondre, friandes de maïs, des jeunes pousses de luzerne et de foin qu’elles trouvent sur leur chemin », explique-t-il. 

L’alimentation dans les champs, plutôt que dans les marais, a de fait contribué à l’augmentation du nombre de grandes oies des neiges. Si elles survivent mieux, leur taux de reproduction s’est également significativement amélioré, si bien qu’on estime que près de deux millions de ces oiseaux migrateurs sillonnent de nos jours le corridor fluvial au cours des trois premières semaines de mai à destination des terres arctiques.

« Personnellement, je couvre le secteur de Lotbinière et de Sainte-Croix, soit une bande d’à peu près 35 km de large par 3 km de profondeur. Mon territoire a cependant déjà été plus vaste, mais je ne pouvais pas être partout en même temps, précise M. Fiola. Par le passé, j’ai vu des oies scraper l’équivalent de 20 arpents de cultures en deux heures seulement. Où elles s’étaient posées, il ne restait plus rien! »

Une journée type

La journée de travail de l’effaroucheur commence le matin de 7 h jusqu’à 9 h ou 9 h 30, et reprend en fin d’après-midi de 16 h 30 à 19 h environ. Il arrive que les producteurs téléphonent à M. Fiola pour lui signaler la présence des oiseaux sur leurs terres, mais le plus souvent, il établit lui-même son itinéraire sur la base de ses observations. Au besoin, il fait appel à des connaissances qui le renseignent sur la localisation des grandes oies.

« Quand j’arrive dans un champ, j’ai parfois l’impression très nette que les oiseaux me reconnaissent, rapporte l’homme. J’emprunte les chemins existants pour me rendre dans les fonds de terre avec ma voiture et mon VTT. À l’aide d’un pistolet et de cartouches à blanc, je tire pour les faire lever du sol. L’objectif est de faire du bruit, beaucoup de bruit, sans blesser les animaux! Je confirme qu’il sort toute une explosion du fusil! »

Si l’on ne réussit pas à enrayer totalement le problème, on parvient toutefois à répartir les dommages sur une plus grande superficie. Chaque effaroucheur détient un permis délivré par l’UPA de sa région et se voit fournir le matériel nécessaire à l’exercice de ses activités. En plus d’une compilation hebdomadaire, il doit rédiger un rapport quotidien consignant la distance parcourue et le nombre approximatif d’oiseaux effarouchés. 

« Pour faire ce travail, il faut aimer ça, être disponible et ne pas avoir peur de mettre le nez dehors, beau temps, mauvais temps. On ne s’engage pas comme effaroucheur pour l’argent! Connaître les producteurs, avoir un bon sens de l’observation et agir dans le respect de la propriété privée – quand on n’est pas sûr, on demande la permission avant d’entrer sur un terrain – sont les principaux atouts recherchés », conclut Jean-Luc Fiola.