Alimentation 17 avril 2018

Ceci n’est pas une pomme de terre

Les patates douces et les pommes de terre ont beau se côtoyer dans les allées des supermarchés, elles sont différentes à bien des égards.

Parlez-en à Guy et Daniel Pouliot, qui ont fait la transition vers les patates douces en 2001 pour protéger leur production de fraises d’une maladie fongique. Leur persévérance a porté fruit puisque ces tubercules de Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans ont pu se tailler une place dans l’assiette des Québécois.

Si les consommateurs retrouvent dans les épiceries IGA des patates douces du Québec depuis une quinzaine d’années, c’est en grande partie grâce à la détermination des frères Guy et Daniel Pouliot, qui représentent la onzième génération familiale d’agriculteurs sur l’île d’Orléans. Au moment de prendre la relève de la Ferme Onésime Pouliot, ils se sont retrouvés devant un défi de taille : trouver une production de remplacement à celle des pommes de terre afin d’épargner leurs champs de fraises de la verticilliose, une maladie fongique qui peut se transmettre entre ces deux espèces. 

Après mûre réflexion, ils ont arrêté leur choix sur les patates douces. « Avec cette production, on peut déployer notre main-d’œuvre en juin et à la fin septembre sans nuire aux récoltes de fraises. Ça entre parfaitement dans le calendrier », explique Daniel Pouliot, copropriétaire et agronome de formation. 

Autre avantage de ces tubercules : ils font partie de la famille des convolvulacées. Ils ne sont donc pas affectés par les maladies et les ravageurs qui menacent les solanacées comme les pommes de terre. Ainsi, la Ferme Onésime Pouliot s’est lancée en 2001 dans la production de patates douces de variété Beauregard sur une surface de 0,4 ha. Les boutures – et non les tubercules – sont importées de Caroline du Nord chaque année pour être plantées en juin. Dès les premiers essais, l’exploitation s’est servie de paillis de plastique et de bâches pour emmagasiner le plus de chaleur possible le jour et protéger les boutures des vents qui fouettent l’île. Après tout, la patate douce est une plante tropicale. La ferme a aussi mené différents tests pour parfaire ses méthodes d’irrigation.

Les supermarchés IGA se sont rapidement intéressés à la production des deux frères. « Ils voulaient encourager les agriculteurs locaux. Sans eux, je ne serais pas en train de vous parler de patates douces aujourd’hui », lance Daniel Pouliot. Avec 22 ha cultivés, la ferme parvient amplement à fournir la chaîne à l’échelle de la province de novembre à mars. Forcément, un soin particulier est accordé aux qualités esthétiques des tubercules. « Après dix ans, on a remplacé la Beauregard par la Covington et l’Orléans pour avoir une meilleure uniformité des calibres. Avec la Beauregard, on a déjà récolté un tubercule de 9 livres. C’est trop gros! » 

La production de patates douces comporte son lot de défis, et l’augmentation du salaire minimum à 12 $ de l’heure à compter du 1er mai en fait partie. « Puisque la pelure des tubercules est très délicate, la récolte est encore faite à la main. Mais avec les hausses annoncées, ça nous oblige à revoir nos méthodes de travail. Peut-être devra-t-on mécaniser une partie de la récolte. »

Enfin, les deux propriétaires aimeraient développer dans un proche avenir une variété mieux adaptée aux conditions climatiques de l’île d’Orléans, un peu à l’image de la famille Pouliot.  

David Riendeau, Collaboration spéciale