Environnement 21 mars 2018

L’industrie délaissera les néonics

La nouvelle réglementation imposée par Québec réussira vraisemblablement à sonner la fin de l’utilisation des néonicotinoïdes à grande échelle comme enrobage de semences.

Le dépistage et la prescription obligatoires diminueront drastiquement les ventes de ces insecticides, ont indiqué la plupart des détaillants de semences contactés par La Terre.

« C’est sûr que le gouvernement fait bonne figure devant le public en restreignant l’usage de cinq pesticides. Les agronomes déclineront toute responsabilité en suivant l’arbre décisionnel [ils n’ont pas le choix], mais personne n’a pensé aux rendements des producteurs et au fait qu’ils devront payer davantage pour s’en faire prescrire ou pour envisager des solutions de rechange moins efficaces. Et avec les produits de remplacement, est-ce que le bilan des pesticides s’améliorera vraiment? » demande un agronome. Dans la même veine, il ajoute que restreindre l’usage de l’atrazine, un herbicide résiduel, peut obliger des agriculteurs à effectuer un arrosage supplémentaire de glyphosate, ce qui « n’est pas nécessairement mieux d’un point de vue environnemental » sans oublier que cela contribuera à accroître le problème de résistance des mauvaises herbes.

Les solutions de rechange

Selon certains détaillants, dont Raymond Lemoine, copropriétaire de l’Agrocentre Farnham en Montérégie, plus de 90 % des producteurs de maïs risquent d’acheter un traitement de semences en remplacement aux néonicotinoïdes, que ce soit le Lumivia ou le Fortenza. « Ces traitements de semences représentent une police d’assurance, explique-t-il. En outre, ils donnent un effet de vigueur aux plants, un kick back. Si le producteur obtient 10 à 15 $ de revenus de plus à l’acre, c’est avantageux. »

La pression ne s’arrêtera pas

Les néonicotinoïdes ont été qualifiés de « tueurs d’abeilles » dans différents médias et par certaines études, ce qui a alerté l’opinion publique. Or, le Fortenza affiche un risque modéré pour les abeilles, révèle un document de SAgE pesticides (voir texte ci-contre). « On fait des demandes pour que l’usage d’autres pesticides soit aussi restreint », mentionne Annie Bérubé, directrice des relations gouvernementales chez Équiterre. Elle précise que l’organisme presse le gouvernement de financer les agriculteurs pour les aider à adopter des moyens de lutte intégrée. « Sinon, on tourne en rond, estime Mme Bérubé. Les compagnies vont offrir des produits de remplacement tout aussi toxiques. »

Elle mentionne qu’un représentant d’Équiterre siégera d’ailleurs au comité de suivi du ministère de l’Environnement du Québec afin de s’assurer que la nouvelle réglementation donne des résultats. L’organisme poursuit également ses moyens de pression au fédéral en demandant un resserrement du processus d’homologation des pesticides. Annie Bérubé spécifie qu’un avis d’objection légal a déjà été déposé quant au renouvellement de l’homologation du glyphosate.

En train de s’ajuster

« L’industrie est en train de s’ajuster. Il y a sûrement des alternatives [aux pesticides les plus à risque] qui vont se présenter », a commenté Yvan Lacroix, président de l’Association professionnelle en nutrition des cultures, qui regroupe plusieurs des bannières vendant des pesticides au Québec. L’Association des marchands de semences du Québec abonde dans le même sens. Le président, Georges Chaussé, affirme que les semenciers vont « déployer leur offre 2019 en tenant compte de la nouvelle réalité [réglementaire] » et « évaluer les impacts pour leur propre modèle d’affaires ».

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