Troquer les vaches contre des truites

SAINT-CÔME — Émilie Lajeunesse et Mathieu-Charles Dery se destinaient à reprendre la ferme laitière, mais la vie a plutôt poussé le jeune couple à se lancer dans une autre aventure : l’élevage de truites. Un changement de cap déterminant pour les copropriétaires de la Pisciculture Tardif et Fils dans Lanaudière.

Le propriétaire Mathieu devant son fils Léopold sort une truite arc-en-ciel de l’étang. Crédit photo: Myriam Laplante El Haïli / TCN
Le propriétaire Mathieu devant son fils Léopold sort une truite arc-en-ciel de l’étang. Crédit photo: Myriam Laplante El Haïli / TCN

La famille Dery n’est pas la première relève qui voit son projet de transfert d’entreprise tourner au vinaigre. « Ça fait mal au cœur », confie la prétendante déchue, Émilie Lajeunesse. Le couple aurait été la cinquième génération à reprendre la ferme, mais les divergences décisionnelles étaient importantes entre les deux générations et les styles de gestion trop différents.

Émilie et Mathieu ont donc décidé de partir à leur compte, mais le chemin vers l’acquisition d’une ferme laitière est parsemé d’embûches. Il était impossible de transférer le quota de la ferme familiale vers l’exploitation des jeunes puisque Émilie n’était pas propriétaire depuis cinq ans et à l’inverse, ses deux années à la tête de la ferme familiale l’empêchaient de soumettre sa candidature au programme d’aide au démarrage d’entreprises laitières. « On a parlé à la Fédération et ça n’aurait pas fonctionné », se rappelle Mathieu. Ils se sont donc renseignés sur les autres exploitations à vendre, notamment dans la production de chèvres, de moutons et de truites.

« Quand tu achètes une compagnie, tu regardes les états financiers et c’est la pisciculture qui semblait le choix le plus viable pour nous, surtout en termes de qualité de vie », indique Mathieu. Le jeune couple a donc fait l’acquisition de la Pisciculture Tardif et Fils en octobre 2017 et à son grand bonheur, l’ex–propriétaire, M. Tardif, habite toujours la maison adjacente à la ferme. « Il ne nous a pas lâchés dans le néant quand nous avons acheté », mentionne Mathieu. L’homme leur a appris tout ce qu’il y avait à savoir sur leur futur métier : où s’approvisionner en intrants, comment s’occuper des poissons tout au long du processus et, finalement, à qui les vendre durant la haute saison. Fin janvier, Mathieu surveillait avec attention l’éclosion de 150 000 œufs de truites arc-en-ciel et mouchetées dans ses bassins intérieurs. Au cours de leur croissance, les poissons seront transférés dans de plus grands bassins. À partir du mois de mai, ils seront vendus aux particuliers souhaitant ensemencer leur lac et leur pourvoirie ou gardés sur le site de Saint-Côme pour les activités de pêche sur étang. 

Vendre trop tard

Durant leurs recherches, Émilie Lajeunesse et Mathieu-Charles Dery ont été confrontés à un problème de « baby-boomer qui ne décroche pas ». Le propriétaire septuagénaire d’une ferme caprine laitière avait eu, dans ses belles années, le droit de produire jusqu’à 120 000 litres par années. L’entreprise qu’il vendait en 2017 ne pouvait cependant produire plus que 60 000 litres. « Tu rachètes [l’exploitation] et tu ne peux pas te relancer dans une grosse production parce que ça fonctionne par contrat d’approvisionnement. Il a laissé dépérir son entreprise jusqu’à ce qu’il ne soit plus capable de s’en occuper », indique Mathieu. D’autant plus que les marges auraient été maigres. « Il ne serait même plus resté d’argent pour vivre », ajoute-t-il.