Alimentation 18 mars 2018

Le Guide alimentaire élaboré sans rencontrer l’industrie

L’étau se resserre sur les produits considérés comme trop gras, trop sucrés ou trop salés par Santé Canada. Malgré un impact très probable sur la filière agroalimentaire, les fonctionnaires qui révisent le Guide alimentaire canadien ne rencontrent pas l’industrie. Des audiences vont toutefois s’ajouter pour entendre l’avis de cette dernière en comité parlementaire.

Étiquetage

Même si le nouveau Guide alimentaire canadien n’est pas encore publié, les principes directeurs déterminés par Santé Canada vont exiger un étiquetage sur le devant de tous les aliments préemballés qui contiennent plus que 15 % de la valeur quotidienne (VQ) recommandée en gras, en sel ou en sucre. Il est important de noter que les aliments qui ne sont pas assujettis à l’affichage obligatoire de la valeur nutritive, comme la viande crue, seront exemptés. De plus, les aliments qui ont un « effet protecteur pour la santé », comme le lait entier ou la plupart des huiles végétales, ne serons pas soumis au nouvel étiquetage. « Nous avons reçu beaucoup de témoignages de groupes, de médecins et de transformateurs qui affirment que les décisions qui seront prises par Santé Canada reposent sur une science fausse, basée davantage sur une tendance activiste. Ils veulent pouvoir se faire entendre, mais Santé Canada et le gouvernement ferment la porte », a déploré Luc Berthold, porte-parole du Parti conservateur en matière d’agriculture, le 8 février.
Il s’est toutefois réjoui d’un certain changement de cap, effectué à la suite de pressions, qui amènera le Comité permanent de la santé à ajouter des rencontres sur la question du Guide alimentaire canadien, ce qui pourrait permettre aux agriculteurs et aux transformateurs de participer. Le Comité permanent de la santé confirme l’ajout d’audiences sur le Guide, mais aucune date n’est encore fixée.

« Bien que les fonctionnaires responsables qui révisent le Guide alimentaire ne rencontrent pas l’industrie, le Ministère n’a pas fermé la porte au point de vue de cette dernière », a précisé par écrit le cabinet de la ministre de la Santé fédérale, Ginette Petitpas Taylor. Le cabinet a aussi énuméré une série de consultations publiques auxquelles l’industrie pouvait participer depuis 2016. Santé Canada précise par ailleurs que ses cadres supérieurs, contrairement aux fonctionnaires, peuvent rencontrer l’industrie. Le Guide alimentaire complet est prévu pour 2018, mais aucune précision n’a été fournie quant à l’échéancier

Une première

« Le Guide alimentaire, c’est vraiment hermétique; je n’ai jamais vu ça », rétorque Annick Van Campenhout, vice-présidente au Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ). Cette dernière précise qu’il y a eu plus d’espace « technique » pour les commentaires de l’industrie en ce qui concerne l’étiquetage par opposition au Guide. Mais même dans ce cas, l’industrie ne se sent « pas nécessairement écoutée ». La vice-présidente du CTAQ précise que certains produits, comme le yogourt aux bananes sans sucre, pourraient être étiquetés sur le devant seulement en raison du sucre naturel des bananes. « On se retrouve avec une étiquette pour le fromage et les charcuteries, mais certains ne peuvent contenir moins de sel pour des raisons de conservation », précise Annick Van Campenhout.

Les Producteurs laitiers canadiens (PLC) craignent de leur côté que les nombreux bénéfices santé démontrés des produits laitiers soient ignorés par les consommateurs, qui risquent de se concentrer sur l’étiquette du devant plutôt que sur le tableau nutritionnel complet derrière le produit.