Bovins 29 janvier 2023

Agriculteurs et gardiens de la biodiversité

NICOLET – Bien souvent, les nouvelles générations se font un devoir de poursuivre la mission lancée par les précédentes. La famille Beaulac n’y fait pas exception, elle qui exploite des terres de Nicolet sur les rives du lac Saint-Pierre, où elle parvient à marier agriculture et préservation de la biodiversité.

Fiche technique

Nom de la ferme :
Beaulac ferme familiale

Spécialités :
Bovins de boucherie, porcs et poulets élevés au champ

Année de fondation :
18e siècle

Nom du propriétaire :
Michel Beaulac

Nombre de générations :
10

Superficie en culture :
50 hectares

Cheptel :
35 à 40 vaches et veaux, une vingtaine de porcs et 250 poulets

Le visage de Vernhar Beaulac s’illumine lorsqu’il parle de sa fille à ses côtés. « Abygael représente la dixième génération de Beaulac sur ces terres », dit-il avec fierté, sous le regard amusé et non moins fier de son père, Michel.

Ainsi, la famille Beaulac perpétue depuis le 18e siècle sa détermination à exploiter ces terres capricieuses, parce que soumises aux aléas des crues printanières du lac Saint-Pierre. « On a fait en sorte de tirer avantage de ce qui apparaît d’abord comme un inconvénient », explique Michel Beaulac.

Bon an mal an, les terres des Beaulac disparaissent partiellement lors de l’empiétement printanier du fleuve. Il devient donc impossible de prévoir le début et la fin des saisons de pâturage. Par exemple, la saison 2022 a commencé très tard, en raison de la persistance de la crue du printemps.

Qu’à cela ne tienne, les Beaulac redoublent d’efforts pour améliorer les rendements de ces terres dans une optique de cohabitation agriculture-faune. C’est ainsi qu’ils peuvent envisager leur projet d’expansion pour doubler le cheptel de bovins de boucherie et de porcs élevés au champ et de volailles vivant en liberté, une production destinée à la vente directe.

Actuellement, les pâturages reçoivent 35 à 40 vaches et veaux élevés sur une période de 120 jours, dont certains à forfait pour d’autres producteurs, en plus d’une vingtaine de porcs et 250 poulets. « Nous avons une belle clientèle fidèle, insiste Michel. Nous comptons mettre des efforts pour l’augmenter, développer la clientèle institutionnelle et peut-être aussi implanter une boutique à la ferme. »

Pour l’instant, le producteur est l’unique propriétaire de l’entreprise, mais il devrait partager sous peu ce titre avec son fils. « C’est la passion qui m’a ramené sur cette terre », raconte l’ingénieur et agronome maintenant retraité qui a acquis au tournant du siècle les terres de son oncle, voisin de la propriété qui l’a vu grandir.

C’est la même passion qui motive son fils Vernhar, détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environnement et employé au ministère des Ressources naturelles et des Forêts. « J’ai toujours eu une attirance pour le monde agricole », dit-il. « Je m’investis depuis une bonne dizaine d’années, d’abord dans les travaux d’entretien puis dans le développement de l’entreprise avec la diversification des animaux, la croissance du cheptel et les projets environnementaux. Ça fait un bail que je passe les week-ends à travailler à la ferme. »

La liste des projets environnementaux réalisés ces dernières années sur la ­propriété témoigne des efforts déployés par les exploitants.

Protéger la terre et la biodiversité

Les Beaulac déploient des efforts pour favoriser l’économie circulaire comme avec la récupération de la drêche d’une microbrasserie de Trois-Rivières que charge Vernhar pour servir à l’alimentation des animaux. Photo : Pierre Saint-Yves
Les Beaulac déploient des efforts pour favoriser l’économie circulaire comme avec la récupération de la drêche d’une microbrasserie de Trois-Rivières que charge Vernhar pour servir à l’alimentation des animaux. Photo : Pierre Saint-Yves

La propriété des Beaulac compte une cinquantaine d’hectares sur les rives du fleuve. Un soin particulier est accordé au travail du sol sur ces terres, qui n’ont subi aucun labour au cours des cinquante dernières années.

Le travail se fait sur trois champs subdivisés en 15 parcelles pour assurer la rotation des animaux en pâturage intensif, qui assure aux espèces fourragères pérennes les nutriments nécessaires à une alimentation de qualité.

Des chemins de circulation ont été aménagés sur leur pourtour pour la surveillance des animaux en évitant la circulation sur les terres. C’est sans compter les efforts déployés pour la plantation d’une haie brise-vent sur trois kilomètres avec l’ajout d’arbustes entre les arbres pour en améliorer les performances. Sur la bande riveraine, dans la zone soumise aux inondations, ce sont des espèces nobles, comme le chêne des marais, le saule nain et l’érable argenté, qui ont été plantées.

La faune n’est pas en reste avec, notamment, l’entretien des fossés pour favoriser la circulation des poissons, l’installation de dizaines de nichoirs pour la nidification et la réduction des passages de machinerie pour protéger les oiseaux qui font leur nid au sol. Les effets sont probants, comme le démontre l’augmentation de la présence de certaines espèces d’oiseaux.
Michel Beaulac reconnaît que ces préoccupations environnementales sont le fruit des valeurs léguées par les générations précédentes. « Mon père était assez progressiste pour son temps », souligne-t-il pour confirmer l’origine de cet héritage.

Ainsi, les Beaulac gardent bien en tête que la nature, respectée et bichonnée, peut rendre la pareille à ses protecteurs.

Un ancien bâtiment de la propriété ayant servi d’abattoir jusque dans les années 1970 a été recyclé pour abriter un des deux anciens tracteurs de 1963 et 1987 qui ont été reconditionnés et dont l’utilisation est minimale. Photo : Pierre Saint-Yves
Un ancien bâtiment de la propriété ayant servi d’abattoir jusque dans les années 1970 a été recyclé pour abriter un des deux anciens tracteurs de 1963 et 1987 qui ont été reconditionnés et dont l’utilisation est minimale. Photo : Pierre Saint-Yves

Le bon coup de l’entreprise

La collaboration à des projets de recherche figure depuis longtemps dans les priorités de Michel Beaulac parce qu’elle lui permet de mieux connaître et apprécier son milieu et de développer des pratiques agricoles plus efficientes et protectrices de la biodiversité.

Sa collaboration au vaste projet de recherche du Pôle d’expertise multidisciplinaire en gestion durable du lac Saint-Pierre, piloté par trois universités québécoises, en est la preuve incontestable.

Pendant les quatre dernières années, une parcelle a été consacrée à cette recherche, dont les résultats sont dévoilés en page 12. Elle permettra de développer autour du lac une agriculture durable, adaptée, respectueuse de l’écosystème et favorisant la restauration des milieux prioritaires.

« Ç’a été une collaboration très profitable pour nous », explique Michel Beaulac. Dans la parcelle étudiée par les chercheurs, le suivi de nos rendements avec nos pratiques culturales démontre une augmentation de 35 % des rendements en foin. »

Le producteur est surtout très fier que sa propriété se classe parmi les milieux les plus riches pour la biodiversité autour du lac Saint-Pierre, selon les propos mêmes de certains experts impliqués dans la recherche. 

 

3 conseils pour favoriser la biodiversité

  • Implanter des mesures de cohabitation faune-agriculture de façon graduelle à la ferme 

Chez les Beaulac, la plantation d’une haie brise-vent et d’arbustes, l’aménagement de voies de circulation sur les pourtours de la propriété, l’installation de nichoirs, la construction de ponceaux sont autant de mesures qui ont été développées au fil des années.

  • Visiter d’autres producteurs qui ont entrepris des actions pour favoriser la cohabitation faune-agriculture

Michel Beaulac mentionne aussi que des conseillers en environnement de l’Union des producteurs agricoles et du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec peuvent offrir de l’accompagnement.

  • Être à l’affût des projets de cohabitation qui se déroule sur son territoire

« Il est important de bâtir un réseau avec les organismes qui œuvrent dans le secteur faune-agriculture. Ce sont des ressources qui vous aideront grandement », indique le producteur de Nicolet. Dans son cas, il est impliqué ou en contact étroit avec l’organisme ZIP du lac Saint-Pierre, la cohorte pâturage du CETAB+, le Club-conseil Yamasol et le groupe Copernic sur les bassins versants de la rivière Nicolet.

Les 50 hectares de la propriété des Beaulac sont exploités sans fertilisants ni pesticides et aucun labour n’y a été fait depuis plus de 50 ans. Photo : Pierre Saint-Yves
Les 50 hectares de la propriété des Beaulac sont exploités sans fertilisants ni pesticides et aucun labour n’y a été fait depuis plus de 50 ans. Photo : Pierre Saint-Yves

 


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